2012-10-23

 

Gaston Labat, auteur franco-ontarien ?

Les auteurs canadiens-français d'origine étrangère sont plus rares au XIXe siècle qu'au XXe siècle.  Parmi les exceptions à cette règle figure toutefois Gaston-P. Labat.  Selon le recensement de 1901, il serait né en France le 22 mars 1843 (ou peut-être le 20 mars — le chiffre des unités n'est pas entièrement clair).  Selon le DALIAF, il sert dans l'armée française avant d'émigrer au Canada et participe à la campagne franco-prussienne dans le service chirurgical de l'armée de l'Est.  Le mercredi 10 avril 1878, il fait partie de la Batterie B de la garnison de Québec quand il organise une soirée musicale au bénéfice des Turcs mourant de faim dans la région de Constantinople, qui n'aura sans doute pas recueilli beaucoup de fonds, selon Le Canada musical du 1er mai.   Le 24 septembre 1879, il est encore à la Citadelle de Québec quand il soumet une anecdote au journal L'Opinion publique (qui paraît dans le numéro du 2 octobre) après en avoir signé une autre dans le numéro du 31 juillet.  Le 1er juin 1880, il se lance dans une entreprise littéraire plus ambitieuse en fondant une revue bilingue, The Canadian Military Review, selon l'Inventaire chronologique de Dionne en 1909 (p. 194).  La revue cesse de paraître le 1er décembre 1881.  Dans un annuaire de 1881, elle est annoncée comme mensuelle, l'abonnement annuel coûtant un dollar tout rond.  Le lieutenant Donaldson et le caporal Labat assurent la rédaction, tandis que les presses de la Citadelle assurent l'impression.

Cesse-t-elle de paraître parce que Labat n'est plus sur place?  Selon le recensement de 1881, il se trouve alors à Kingston.  Dans son numéro du 17 mars 1881, L'Opinion publique fait écho à une conférence qu'il aurait donné à Kingston sur la langue française, l'importance des langues vivantes et l'enseignement des langues étrangères.

En 1884-1885, il fait partie de l'expédition du Nil, qui inclut un contingent de civils canadiens appelés des « Voyageurs » recrutés à la demande du général britannique en raison de leur maîtrise des portages et de la remonte des rivières.  En tant que sergent d'hôpital de la batterie B, il soumet des lettres aux journaux canadiens en cours de route.  Le gros du contingent canadien quitta l'Égypte en avril 1885.  Labat était sans doute revenu plus rapidement puisqu'il a le temps de soumettre à un éditeur la matière d'un livre avant de prendre part à l'écrasement de la Rébellion du Nord-Ouest en avril-mai 1885.  L'ouvrage paraît en 1886 sous le titre Les Voyageurs canadiens à l'expédition du Soudan, ou Quatre-vingt-dix jours avec les crocodiles.  En l'absence de Labat, resté dans le Nord-Ouest, la révision des épreuves par l'éditeur est si exécrable que Labat s'en excuse auprès de ses lecteurs dans un avertissement placé au début du livre.  Néanmoins, le livre obtient des critiques positives, entre autres dans le numéro du 27 janvier 1887 du Canadian Militia Gazette (p. 635).  Une liste compilée en 1885 des soldats et miliciens qui ont pris part à l'écrasement de la rébellion et qui ont droit à une médaille ou récompense identifie Labat comme un sergent, encore stationné à Kingston.

En 1888, il est de retour à Québec, identifié dans un annuaire comme un sergent de la Batterie B à la Citadelle.  En 1889, il est toujours à Québec, associé à la Citadelle sans autre précision.  Le 28 juin 1891, le recensement l'identifie comme un sergent d'hôpital du quartier Saint-Louis à Québec.  Vers 1892, l'âge oblige sans doute Labat à quitter l'armée.  Ancien soldat, il a droit aux faveurs de l'ancien ministre de la milice, Adolphe Caron, qui témoigne le 16 février 1893 que Gaston P. Labat a été engagé comme facteur à Montréal du 7 au 31 décembre 1892.  Il est ensuite employé comme journalier au bureau de poste à compter du 1er janvier en attendant de subir l'examen du service civil, dont il réussit la version préliminaire en novembre 1893 (voir le volume 27, numéro 11, des Documents de la session en 1894).  Mais d'avoir été mêlé aux tentatives libérales de démontrer la corruption des Conservateurs le dessert peut-être.  S'il travaille dès lors aux postes, ce qui n'est pas sûr, il cherche aussi par tous les moyens à arrondir ses fins de mois.  Ses collaborations aux journaux se multiplient.  Le 15 juin 1895, il fait aussi paraître le premier volume de L'indicateur des postes, des douanes, des banques, des chemins de fer, des vapeurs interocéaniques et fluviens, etc., un ouvrage utilitaire qu'il espère sans lucratif.

En avril 1901, le recensement trouve Gaston Labat dans le quartier Saint-Louis à Montréal, où il loge chez une jeune Française de 25 ans, la veuve Perrier, en compagnie d'un autre logeur, Pierre L. Breault, peut-être plus âgé.  Le recenseur ne lui attribue aucune occupation précise.  Ce qui est plus intéressant, c'est qu'il est identifié comme un veuf alors qu'on ne lui connaît aucune épouse au Canada.  Un veuvage précoce l'aurait-il incité à quitter la France ?

En 1901, Labat fait paraître Le Livre d'Or of the Canadian Contingents in South Africa, un peu sur le modèle de son ouvrage sur les Voyageurs du Soudan.  Louis Fréchette signe une préface élogieuse mais prudente, tellement la controverse a été violente au Canada français.  Labat continue dans la même veine de l'entrepreneuriat éditorial en offrant à la vente des livres et même des images.  En 1904, il offre à la vente par correspondance une image souvenir du cinquantième anniversaire de la définition du dogme de l'Immaculée Conception (12 cents l'image, 6$ pour une centaine, franco de port, comme le précise une annonce dans le bulletin des Cloches de Saint-Boniface du 1er décembre).  En 1906, il lance un Almanach municipal de Montréal.

Le 7 février 1908, Gaston P. Labat, « journaliste », décède à l'Hôpital Notre-Dame.  Auteur français et canadien, québécois et franco-ontarien, Labat a publié ses textes fantastiques entre 1889 et 1899, soit après son séjour à Kingston entre 1881 et 1886 environ.  Par conséquent, on ne peut inclure ces nouvelles dans le corpus fantastique franco-ontarien.

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