2011-11-03

 

Le financement de l'anti-démocratie

L'élimination annoncée par Harper du financement public aux partis politiques sous la forme d'une allocation calculée en fonction du vote populaire lors de l'élection la plus récente s'inscrit dans un cadre plus large sur lequel il convient de s'attarder. Malgré ce qu'on peut entendre de la part des porte-parole habituels des Conservateurs, il ne s'agira en aucune sorte de la fin du financement des partis politiques fédéraux par l'argent des contribuables. Si ce financement représentait 27,4 millions de dollars en 2010, il s'ajoutait en fait à une vingtaine de millions de dollars contribuée sous la forme d'un rabais fiscal consenti par Revenu Canada aux contribuables qui ont fait don d'une somme quelconque à un parti politique. Il s'ajoutait aussi au remboursement par les contribuables d'une partie des dépenses électorales engagées par les partis, un montant qui a totalisé 25 millions de dollars après l'élection générale de 2008.Dans cette catégorie des remboursements après 2008 (illustrée par la figure ci-dessus), le Parti conservateur du Canada rafle presque la moitié de la mise (44%). Dans la catégorie des dons par les particuliers, il a recueilli en 2009 environ 17,7 millions de dollars tandis que le Parti libéral du Canada a recueilli presque 9,1 millions de dollars, le NPD environ 4,0 millions de dollars, le Bloc québécois environ 620 000 $ et le Parti vert environ 1,1 million de dollars. Très approximativement, les Conservateurs auraient raflé dans cette catégorie plus que la moitié des fonds (54%). Si on tient compte de la réduction fiscale associée à ces dons, ils auront reçu en fait quelque chose comme onze ou douze millions de dollars du public, en sus de l'allocation par vote exprimé, sur ce total de 17,7 millions.

Résumons. Jusqu'à maintenant, les contribuables finançaient de trois manières différentes les partis politiques au Canada. L'allocation en fonction du vote exprimé était une fonction objective du vote populaire exprimé dans les urnes. La contribution fiscale était une fonction des dons versés à tel ou tel parti. Et les remboursements électoraux étaient une fonction des dépenses engagées par les partis.

Donc, plus un parti reçoit d'argent sous forme de dons, plus il reçoit d'argent des contribuables. Par conséquent, ceteris paribus, il peut engager plus de dépenses électorales que les autres et il s'en fera rembourser une plus grande partie (en chiffres absolus) que les autres. Ainsi, deux des trois contributions publiques au financement sont déterminées par les dons des particuliers. La troisième, qui n'était déterminée que par les suffrages des électeurs, est précisément celle que les Conservateurs comptent abolir.

Or, qui peut donner de l'argent aux partis politiques ? Toutes choses étant égales par ailleurs, ceux qui peuvent se le permettre, ce sont les plus riches. Ainsi, la réforme électorale des Conservateurs donnera plus d'influence aux riches au détriment des moins riches — dont les impôts serviront néanmoins à financer les cadeaux fiscaux aux donateurs des Conservateurs et le remboursement des dépenses électorales des Conservateurs.

Le gouvernement par les riches et pour les riches, ce n'est plus la démocratie, mais la ploutocratie. On saura donc où on s'en va, dans le Canada de Harper.

Si un parti plus démocratique accède au pouvoir un jour au Canada, il rétablira, je l'espère, l'allocation publique en fonction du vote. Et il envisagera peut-être de faire de la déduction fiscale pour dons politiques une fonction du revenu de manière à ce que les plus riches assument une plus grande partie du coût réel de leurs dons.

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