2011-10-26

 

L'endettement des pays riches, un autre point de vue

Une étude (.PDF) récente de la Bank for International Settlements (BIS), signée par Stephen G. Cecchetti, M. S. Mohanty et Fabrizio Zampolli, offre une autre perspective sur la crise de la dette, en Europe et ailleurs. Les auteurs ont additionné l'endettement des gouvernements, celui des ménages et celui des entreprises hors du secteur financier. Le résultat m'a surpris, et je crois qu'il en surprendra d'autres. L'endettement total des pays qui inquiètent le plus dans la crise de l'euro n'est pas nécessairement supérieur à celui d'autres pays. Et les Canadiens qui se font dire par les Conservateurs de Harper que le Canada est en meilleure position que d'autres auraient intérêt à faire attention, comme d'habitude, à leur véracité.L'endettement est calculé ici en fonction du produit intérieur brut. Il s'agit ici de l'endettement brut, sans tenir compte des richesses éventuelles d'un pays (épargne, autres avoirs). L'omission de l'endettement financier (ce qui me semble correspondre à celui des banques) supprime toutefois un élément crucial de la comparaison. Cela dit, que retrouve-t-on dans la figure ci-dessus ?

Tout d'abord, la grande économie qui survole toutes les autres sur le plan de l'endettement, c'est celle du Japon, avec un endettement total qui représente plus de 4 fois son PIB. Ce n'est pas une surprise et cet endettement est supportable pour des raisons particulières à la réalité japonaise, mais il reste associé à un taux de croissance de l'économie plutôt stagnant.

Viennent ensuite un trio de pays dont l'endettement en 2010 représentait plus de 350% de leur PIB, soit le Portugal, la Belgique et l'Espagne, dans un mouchoir de poche. La mauvaise posture des finances portugaises et espagnoles est bien connue, mais la présence de la Belgique dans ce trio de tête peut surprendre, même si le niveau élevé de sa dette gouvernementale est notoire.

Suivent un quatuor de mauvais élèves dont l'endettement dépasse les 300% de leur PIB, soit la Grande-Bretagne, la France, le Canada (la ligne brisée bleue) et l'Italie. La Grande-Bretagne a beaucoup souffert de la crise de 2008 et l'État français aligne les déficits depuis des décennies, de sorte que leur présence dans ce peloton ne surprend guère, en particulier si on tient compte des bulles immobilières qui ont sans doute poussé aussi les ménages à l'emprunt dans les deux pays. L'État italien fait pire, et depuis longtemps, mais la présence du Canada peut surprendre. Elle s'explique sans doute par l'endettement très élevé des ménages (maintes fois stigmatisé par les dirigeants de la Banque du Canada) ainsi que par l'endettement élevé de certaines provinces (comme le Québec) et de certaines villes. La Grande-Bretagne et le Canada, toutefois, ont l'avantage de disposer de leur propre monnaie et de leur propre banque centrale, alors que la Banque centrale européenne, comme le souligne cet article du Globe and Mail, est trop tiraillée par ses commettants pour agir de manière décisive.

Malgré la décote récente des États-Unis (la ligne unie bleu pâle), l'endettement de la superpuissance mondiale demeure actuellement parmi les moins excessifs des pays riches, à la hauteur de celui de... la Grèce. Enfin, on retrouve l'Allemagne en dernier lieu.

Les motifs d'inquiétude des investisseurs apparaissent peut-être un peu plus clairement si on ne tient compte que du taux de croissance de cet endettement entre 1980 et 2009-2010. Ce palmarès de l'imprudence a l'air de ce qui suit :

Grèce — 185 %
Italie — 184 %
Portugal — 154 %
Belgique — 109 %
Espagne — 106 %
Grande-Bretagne — 101 %
France — 101 %
États-Unis — 77 %
Allemagne — 77 %
Japon — 57 %
Canada — 33 %

Qu'en conclure? En l'absence de chiffres sur l'épargne nationale et sur l'endettement des secteurs financiers, il faut se montrer prudent. On ne peut pas comparer ces pays sur cette base pour en déduire lesquels ont les reins plus solides que les autres. Néanmoins, dans la mesure où cette évaluation de l'endettement reflète majoritairement les décisions collectives, celles des individus en tant qu'agents autonomes et celles des gouvernement démocratiquement élus, on peut juger que les sages et les fous n'ont pas nécessairement été ceux que l'on croit. Ou plutôt que les habitants de presque tous les pays industrialisés ont succombé, individuellement ou collectivement, à l'attrait du crédit.

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