2011-08-08

 

Londres brûle encore

C'est toujours pareil et c'est chaque fois un peu différent. Pour parler des émeutes en Angleterre, je pourrais me borner à reprendre mon billet de 2008 sur les émeutes à Montréal après la mort de Freddy Villanueva, abattu par un policier. Après Raymond Constantine Lawrence, Bouna Traoré, Zyed Benna et Rodney King... Cette fois, la victime s'appelait Mark Duggan.

Les émeutes se multiplient, comme en France en 2005. Pour l'instant, selon cette carte, elles n'ont pratiquement pas empiété sur le cœur de Londres, c'est-à-dire les parties de la ville que j'ai eu l'occasion de parcourir. Les plus anciennes et les plus aisées. (Néanmoins, j'ai pu voir à Londres et ailleurs à quel point le cadre de vie anglais, hors des quartiers cossus, pouvait être triste et sordide.)

En un sens, c'est la preuve que (pour l'instant) ces émeutes ne représentent pas un prolongement du Printemps arabe ou du mouvement européen des « indignés ». Les manifestants arabes et les « indignés » grecs, espagnols, etc. ont occupé sans hésiter les lieux symboliques de la nation. Ils appelaient à la révolution. Les émeutiers anglais s'en prennent à leurs propres quartiers, ce qui suffit à révéler l'horizon restreint de leurs ambitions. Ce n'est donc pas si difficile de diagnostiquer un mouvement né de l'exclusion, de l'ennui, de la désespérance et de la rancœur. C'est beaucoup, mais c'est tout.

La taille du problème était connue depuis un an. En 2010, on annonçait que 1,4 million d'adultes britanniques n'avaient jamais travaillé (sans compter deux millions de jeunes adultes aux études qui n'avaient jamais eu un emploi non plus). Ce chiffre (3% environ de la population en âge de travailler) incluait les inaptes au travail et les femmes à la maison, mais il révélait néanmoins une culture en marge des structures officielles. À la même époque, 20% des ménages britanniques ne comptait pas une seule personne au travail. Et les chiffres révèlent sans surprise que la pauvreté et le chômage sont plus présents dans certaines communautés.

Existe-t-il des solutions? Une solution partielle consiste sans doute à mieux intégrer les populations dont sont issus les émeutiers. Après tout, près de 8% des Britanniques appartenaient en 2001 à une minorité visible et on peut supposer que le chiffre est plus élevé aujourd'hui. Or, en 2010, le nouveau cabinet de la coalition au pouvoir ne ressemblait guère au pays qu'il était censé gouverner. Cette galerie met en évidence l'absence criante de ministres issus des minorités visibles (et la sous-représentation des femmes est assez frappante).

C'est ce qui nous pend au nez ailleurs qu'en Angleterre d'ailleurs. Malgré tous leurs problèmes, les États-Unis ont eu le courage de mettre en œuvre, dans la foulée des émeutes des années soixante, une stratégie d'intégration qui a conduit à l'élection d'un président noir en 2008. C'est loin d'être clair que l'Ontario, que le Québec ou que la France ont tiré la même leçon de leurs explosions sociales respectives.

Libellés :


Comments: Publier un commentaire

<< Home

This page is powered by Blogger. Isn't yours?