2011-05-30

 

La critique constructive au Parlement

Dans quelques jours, le Parlement du Canada rouvrira ses portes, mais la Chambre des Communes aura bien changé en quelques semaines. Un gouvernement majoritaire conservateur, une opposition néo-démocrate... Ce qui pourrait également changer, c'est la tonalité des débats dans la Chambre des Communes, puisque le NPD annonce qu'il remplacera l'invective et la diatribe par des critiques aussi constructives que possible.

Cette stratégie du NPD pourrait s'avérer plus habile et moins naïve qu'on le croit.

Bien sûr, il y a la forme et il y a la manière — et la persévérance. Les anciens Réformistes de Preston Manning ont fait remarquer qu'ils avaient également tenté de rehausser le niveau des débats en adoptant un ton plus policé et plus constructif que leurs prédécesseurs, avant de changer de cap parce que les médias les ignoraient. Toutefois, il était peut-être un peu vain d'espérer attirer l'attention durant la lune de miel d'un nouveau gouvernement majoritaire. Une plus grande persévérance aurait pu rapporter des dividendes à plus long terme, lorsqu'un fléchissement de la popularité du gouvernement aurait obligé les médias à tenir compte des solutions de rechange de l'Opposition officielle. Une telle persévérance aurait exigé de la discipline, et la tendance naturelle des Réformistes était sans doute plus à l'affirmation musclée qu'à l'argumentation raisonnée. Dans la mesure où le NPD compte sur des passionnées qui font souvent appel à des arguments scientifiques ou logiques, une telle stratégie pourrait exiger un moins grand effort de la part des députés du NPD.

Mais sera-t-elle payante? D'abord, en raison de la polarisation idéologique de la Chambre des Communes, il y a en principe moins de risques que les politiques et propositions du NPD soient chipées et mises en œuvre par les Conservateurs (ce qui a souvent découragé les partis d'opposition de mettre de l'avant leurs propres solutions). Mais si elles étaient dérobées, ceci donnerait de la légitimité aux idées du NPD, démontrant par le fait même que le parti est plus près du centre que les Conservateurs tentent de le faire croire et brouillant en même temps l'image de marque des Conservateurs. Les Conservateurs en sortiraient-ils gagnants? Rien n'est moins sûr. Le principal handicap du NPD au Canada, c'est son manque de crédibilité comme parti de gouvernement. Si les Conservateurs devaient légitimer ses politiques, ils crédibiliseraient le parti par ricochet.

Toutefois, si les Conservateurs ignoraient les propositions du NPD, celui-ci n'aurait pas à craindre que les Conservateurs se retourneraient à la dernière minute pour les incorporer à leur programme, du moins sans nuire à leur crédibilité (les Libéraux, c'est une autre histoire), tandis qu'un refus constant des Conservateurs soulignerait leur rigidité en confirmant l'existence d'un véritable blocage idéologique. Le rejet obstiné des politiques du NPD par les Conservateurs soulignerait d'autant plus l'ouverture du NPD....

Certes, si on remonte à l'époque du Rat Pack des Libéraux, qui s'étaient imposés par leur acharnement et leur véhémence en chambre, on pourrait croire que la hargne rapporte plus que la modération des propos. Cela dit, il convient de noter que le contexte était différent. Les Libéraux étaient sonnés, réduits à un groupe guère plus nombreux que le groupuscule actuel. Brian Mulroney disposait d'une majorité écrasante et les Libéraux cherchaient à compenser leur infériorité numérique par leur ardeur au moment de monter à l'attaque.

Dans la mesure où le NPD formera une Opposition officielle nombreuse, le parti n'est donc pas obligé de miser à ce point sur l'indignation et l'intensité de ses interventions. Le seul risque, ce serait qu'il se fasse déborder soit par les Libéraux soit par les Bloquistes, si ceux-ci se montraient plus enflammés en profitant de la liberté de parole supplémentaire qui échoit à ceux qui ne sont pas la solution de rechange désignée.

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