2011-02-13

 

De la SF franco-canado-belge au cinéma?

Est-ce de la science-fiction?

Le film Mr Nobody de Jaco Van Dormael est un film qui m'avait échappé lors de sa sortie en 2009. D'une longueur essoufflante, il emmêle les intrigues parallèles d'une manière qui éclipse Inception (qui avait beaucoup plus à cœur de ne pas perdre les spectateurs) et qui m'a rappelé, un peu, 2046 de Wong Kar-wai, un peu plus La Double Vie de Véronique de Krzysztof Kieślowski, vaguement The Curious Case of Benjamin Button et, à retardement, Sliding Doors. Dans Mr Nobody, tout repose sur un train (anglais) que l'on attrape ou n'attrape pas — comme dans Sliding Doors, où c'était un métro qui changeait la vie de l'héroïne à Londres.

Du coup, nous voyons le jeune personnage de Van Dormael connaître plusieurs destins possibles. Un de ces destins le conduit-il à devenir le dernier mortel de l'an 2092, quand il a 118 ans? Pas clair. Il meurt plusieurs fois, y compris en orbite martienne. Il essaie de changer le cours des choses a posteriori, il devine l'avenir à quelques reprises (sans que cela joue un rôle dans la suite des choses) et il écrit de la science-fiction qui semble prendre vie sous la forme d'un voyage vers Mars (en passant par Uranus ou une nébuleuse?)... Le temps va-t-il s'inverser en 2092 à la faveur d'un Big Crunch anticipé? Retrouvera-t-il la seule femme qu'il a vraiment aimée?

Visuellement, le film est très léché. Les scènes individuelles sont souvent réussies. Mais c'est l'ensemble qui laisse perplexe.

La narration n'arrive pas à se choisir un ton. S'agit-il de verser dans l'anticipation satirique? (L'immortalité des humains de 2092 aurait été obtenue en blindant les télomères et en fournissant à chaque personne un cochon la fournissant au besoin en organes de rechange.) De signer une allégorie, comme le suggère ce nom improbable de Nemo Nobody porté par le personnage principal? De composer une comédie romantique? Certaines scènes nous font visiter l'envers des décors, ou mettent en scène des lotissements de banlieue si artificiels qu'ils ne sont guère plus que des décors.

En fin de compte, l'ensemble reste incohérent. Évidemment, le film entretient le doute quant à la réalité ultime des trames parallèles, car le spectateur pourrait décrocher s'il se disait que certaines intrigues ne sont que potentielles — jusqu'au moment où il se fait dire qu'aucune n'est réelle parce qu'elles sont imaginées. Du coup, seul le Nobody de 2092 serait réel, ou non... On a l'impression que Jaco Van Dormael a combiné des idées différentes sans jamais réussir à trancher. Tout faire reposer sur le choix qu'un enfant doit faire entre sa mère et son père au moment d'un divorce? D'accord, mais le film entasse ensuite les éléments incongrus.

Une des règles d'or de la science-fiction, c'est que l'intrigue doit reposer sur un seul « miracle », un seul élément d'étrangeté, et que les conséquences de cette altération de notre réalité doivent être traitées avec sérieux. Mais Van Dormael lève plusieurs lièvres et se lance sur les traces de l'effet papillon, du Big Crunch, de la prédiction du futur, de l'inversion du temps, de l'immortalité, etc. Qui trop embrasse mal étreint.

La conclusion, qui semble promettre au personnage la possibilité de vivre sa vie (mais laquelle?) à l'envers, ouvre certes des perspectives. Mais le film se termine, justement, sans pousser plus loin.

Vivre la vie à l'envers, ce serait faire de chaque fin un début, de chaque mort une résurrection... mais chaque début (d'une vie, d'une histoire d'amour, d'une carrière) est alors une fin et la naissance est une disparition. La causalité prendrait des formes étranges (régurgiter, au lieu de manger, si les événements s'inversaient), mais le choix ou l'illusion du choix pourrait demeurer. Quelle que soit l'action qu'on pose, on peut croire qu'on a le choix.

Sauf si on se souvient... Du coup, même s'il est tentant de trouver que l'univers manque de symétrie temporelle et qu'il serait plus logique de pouvoir parcourir sa vie dans les deux sens, de la vivre une fois à l'endroit et une fois à l'envers, il est clair qu'obtenir de vivre sa vie à l'envers après la mort (une forme de paradis ou d'enfer?) serait un châtiment puisque l'illusion du choix disparaîtrait — et que nos plus doux souvenirs, porteurs d'espoirs, se métamorphoseraient en fins doublement amères. Car, si les débuts que l'on choisit sont plus beaux et plus riches d'espérances que les fins, on ne gagnerait pas au change en les permutant...

Bref, c'est un film à classer dans les ratages intéressants. Du point de vue de la science-fiction, l'intérêt est carrément nul, malgré quelques effets spéciaux d'excellent niveau. Du point de vue de la réflexion sur le temps qui passe, la mortalité et les choix qui nous choisissent, il y a quelque chose, malgré tout... Enfin, je signale qu'en dépit d'investissements français, canadiens et belges, le film a été tourné en anglais. Mais le doublage en français était excellent et on a droit à de belles prises de vue de Montréal...

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