2011-01-03

 

La minute de l'assaut par Leroy

Le roman de Jérôme Leroy, La Minute prescrite pour l'assaut (2008), est sans conteste de la science-fiction. Il est sans conteste à la page : tout ce qu'on pouvait imaginer comme raisons de s'en faire sur la suite des choses et l'avenir de la Terre s'y retrouve, ou presque, du pic pétrolier de Hubbert à Sarkozy. Il est sans conteste bien écrit : la plume de l'auteur a de la verve, de l'humour, de la poésie et une aptitude à la description en quelques lignes de personnages bien typés et d'emblée sympathiques. Normalement, j'aurais dû être conquis. Pourtant, le thème rebattu de la fin du monde ne m'a pas retenu. Et les personnages restent flous, mis à part Kléber, le hussard noir de la République (qui porte le nom d'un soldat qui débuta dans les hussards) et son amante, Sarah, la gendarme. C'est que, dans la typologie de l'auteur, il y a les bons et les cons, et les bons ont surtout pour supériorité de ne pas faire partie des cons qui poussent à la déliquescence du monde. Il s'agit donc d'une vertu essentiellement négative, car il est loin d'être clair en quoi les bons seraient le moindrement héroïques dans cette histoire. Surtout que Kléber n'a pas fait grand effort en ce sens : au moment où le monde bascule dans le chaos, ses plus glorieux souvenirs de sa vie d'avant sont des moments de pur hédonisme. Si la civilisation s'écroule, on ne peut pas dire que Kléber faisait barrage... En définitive, c'est un ouvrage confit dans ses certitudes (né en 1964, l'auteur fait partie des ultimes baby-boomers, ce n'est donc pas un hasard) et pétri de bonne conscience. Le sens critique n'est pas nécessairement au rendez-vous, toutefois : ainsi, quand l'ouvrage cite des statistiques censées confirmer l'effondrement des choses, il cède à l'erreur que je signalais précédemment qui consiste à prendre au pied de la lettre l'augmentation de l'incidence du cancer en France. Ou bien, il cite une concentration du gaz carbonique dans l'atmosphère qui est hautement improbable (« plusieurs milliers » de parties par million dans un futur à court terme, alors que nous en sommes actuellement à environ 390 ppm volumiques ou 590 ppm massiques) en mélangeant la concentration en parties par million volumiques (le chiffre de 280 étant correct pour le début de l'ère industrielle) et la concentration en parties par million massiques (le chiffre de 540 étant approximativement admissible pour les années soixante-dix). On ne devrait décidément pas laisser les littéraires parler de chiffres.

Néanmoins, l'insistance poétique de l'auteur a quelque chose de marquant. L'ouvrage évoque si amoureusement une certaine idée de la France (républicaine, cultivée, attachée au raffinement des plaisirs) qu'on ne peut pas s'empêcher de trouver de la grandeur dans sa chute même. Et de regretter cette idée de la France...

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