2010-12-13

 

Le butin du Québec à Ottawa

Pourquoi Jean Charest ne réclame-t-il pas plus de moyens d'Ottawa? C'est la question que posait le rédacteur du Journal de Québec, J. Jacques Samson, dans un éditorial du 2 décembre dernier.

La réponse est claire : le Québec n'exerce plus aucune influence à Ottawa depuis que la moitié des sièges de la province sont plus ou moins trustés par le Bloc québécois.

Harper a courtisé le Québec lorsqu'il a cru pouvoir réaliser une percée dans la foulée des succès de 2006, mais, pour des raisons jamais vraiment éclaircies, il a tourné le dos à toute possibilité d'un élargissement de la base conservatrice au Québec en 2008. Depuis, il est clair qu'il a fait une croix sur le Québec, de sorte qu'il a les mains beaucoup plus libres pour conduire les politiques qu'il préfère, et qu'il se contente d'assurer le service minimum, politiquement parlant, dans la province. Ou moins que le minimum, notera-t-on — si on a suivi la saga de l'amphi du maire Labeaume à Québec...

Mais sur qui le Québec pourrait-il faire pression dans ce contexte pour réclamer son prétendu butin ? Le NDP n'a qu'un siège québécois et le Parti libéral dispose du reste, mais ni l'un ni l'autre ne sont au pouvoir, et ni l'un ni l'autre ne peuvent ambitionner des gains importants tant que le Bloc québécois maintiendra son assise. Et si Charest accusait les Libéraux de ne pas assez défendre les intérêts du Québec à Ottawa, il ferait avant tout le jeu du Bloc québécois, dont toute expansion réduirait d'autant l'influence du Québec à Ottawa.

De fait, lors de la crise de la prorogation en 2006-2007, Harper a réalisé le rêve des nationalistes de l'Ouest canadien : en démontrant que le reste du Canada ne tolérerait qu'avec difficulté que le Bloc québécois exerce un pouvoir quelconque à Ottawa, ne serait-ce qu'en appui tacite à une coalition, Harper a essentiellement neutralisé, voire démantelé, les derniers vestiges du French Power inauguré par l'époque Trudeau honnie de l'Ouest, aussi longtemps que le Bloc québécois dominera la représentation québécoise francophone à la Chambre des Communes.

Néanmoins, tout n'est pas perdu pour le Québec. Charest est dans une situation désespérée qui lui permet — voire l'oblige — à envisager tous les gambits. Si aucun des partis fédéralistes à Ottawa ne peut procurer au Québec son « butin », il ne reste plus qu'à le réclamer du... Bloc québécois.

Car les griefs et réclamations qu'on adresse à Jean Charest, celui-ci pourrait tout aussi bien les adresser au Bloc québécois, qui se fait élire à répétition en prétendant défendre les intérêts du Québec, mais qui n'a pas fait avancer les dossiers qui rapporteraient le plus. D'ailleurs, selon quelle logique Jean Charest serait-il plus responsable de la situation qu'un parti bien en place au cœur du pouvoir fédéral ?

Du point de vue souverainiste, le Bloc québécois a pleinement atteint son objectif en creusant le fossé entre le Québec et le reste du Canada. La droite canadienne tient les souverainistes pour des traîtres — à tout le moins au système de gouvernement du pays : le Bloc québécois est-il véritablement une opposition loyale? La gauche canadienne estime les positions sociales du Bloc québécois, mais elle commence à piaffer en trouvant que, dans les faits, le Bloc québécois maintient Harper au pouvoir. Et les Québécois constatent que, dans les faits, le reste du Canada tourne de plus en plus le dos au Québec et aux francophones — ceci n'étant pas sans rapport avec cela. De ce point de vue, mission accomplie !

Mais tout en se voulant souverainiste, le Bloc québécois présente aussi régulièrement un argumentaire fédéraliste pour se faire ré-élire. Il serait donc temps de le mettre en face de ses contradictions...

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