2010-02-20

 

L'habitude de la victoire

Une semaine plus tard, l'arrogance des organisateurs des Jeux de Vancouver en prend pour son rhume. Les médailles ne sont pas au rendez-vous pour le Canada, même si quatre athlètes ont d'ores et déjà remporté des médailles d'or en sol canadien — ce qui n'était arrivé ni à Montréal ni à Calgary.

Néanmoins, par rapport aux attentes et aux classements mondiaux des athlètes avant le début des Jeux, on commence à parler de contre-performances.

Des sommes relativement importantes à l'échelle canadienne ont été investies dans la formation, l'entraînement et le soutien des sportifs de haut niveau (en négligeant parfois les sports ou les athlètes qui n'étaient pas jugés capables d'une performance suffisante). On a aussi promis aux médaillés des primes additionnelles. (Qu'il est loin le temps des Jeux Olympiques réservés aux vrais amateurs...)

Pourtant, la récolte laisse à désirer. En fait, il ne faudrait pas s'en surprendre. On sait depuis longtemps que les récompenses monétaires ne suffisent pas à garantir de bonnes performances, au contraire. Les études (.PDF) sont nombreuses et concluent, en gros, que l'effort plus intense obtenu par des incitatifs monétaires ne compense pas toujours la perte de plaisir qui rendait l'effort ou le travail agréable en l'absence de récompenses monétaires. Sans parler du fait qu'on ne peut pas pousser quelqu'un à faire mieux si cette personne n'a pas le savoir-faire requis. La plus grosse carotte du monde ne fera jamais d'un âne un cheval de course...

Daniel Pink parle dans cette conférence (vidéo) de l'efficacité des récompenses, en particulier sur les performances les plus exigeantes : il faudrait parler en fait de leur inefficacité, car les récompenses peuvent avoir l'effet opposé et engendrer des performances inférieures. Bref, comme d'habitude, le mode de fonctionnement des Conservateurs de Harper apparaît en pleine lumière comme une idéologie, et non un souci d'efficacité.

Je ne blâme pas les athlètes canadiens d'avoir succombé à la pression, car on a vraiment tout fait pour la pousser au maximum. Non seulement ils se sentaient redevables de l'argent qu'on avait investi, non seulement on leur avait fixé des objectifs très ambitieux, non seulement des foules partisanes étaient présentes pour les soutenir (et concrétiser les espoirs d'une partie du pays), mais le gouvernement Harper laissait déjà planer le spectre d'une décroissance du financement des sports de haut niveau après les Jeux en cas de déception, de sorte que les athlètes étaient non seulement responsables de l'argent investi précédemment mais de l'argent à venir, en sus de toute récompense individuelle! Pas étonnant que certains n'aient pas été à la hauteur...

Le gouvernement de Stephen Harper comprend parfaitement le besoin d'assurer un financement soutenu à l'armée, par exemple, si on désire avoir une armée performante. Il s'en vantait d'ailleurs durant son voyage à Haïti — ce qui fait un peu curieux durant la supposée trêve olympique, mais il est vrai que cette tradition est depuis longtemps oubliée...

Mais dès qu'il s'agit de financer la culture, l'éducation ou les sports, le même principe ne s'applique plus, semble-t-il, sans doute parce qu'une culture vivante et distincte, une éducation digne de ce nom ou une population éprise des sports n'ont pas la même importance qu'une armée remplumée à coups de milliards....

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