2009-11-08

 

Le fantôme de Lénine

Finalement vu Good Bye, Lenin!, grand succès cinématographique de l'année 2003 et film de l'heure vingt ans après la chute du Mur de Berlin... Même si le film a souvent été présenté comme une comédie, ses éléments drolatiques n'allègent pas entièrement ce qui est vécu comme un drame par les personnages, soit pour des raisons personnelles soit pour des raisons professionnelles. Au cœur de la narration, il y a cette famille écartelée entre l'Est et l'Ouest, que le fils, Alex, va tenter de sauvegarder en luttant pour préserver sa mère malade, tombée dans le coma avant la chute de l'Allemagne de l'Est, du choc que provoquerait la révélation de la vérité après son réveil. Mais les efforts d'Alex pour reconstituer au moins une pièce d'un appartement où l'Allemagne de l'Est existe encore sont aussi touchants que comiques.

Même si le cinéaste a nié toute dimension allégorique, il est difficile de ne pas voir dans cette famille un symbole de la collectivité allemande : le père est passé à l'ouest, un geste d'autorité mâle et radical, qui fait de l'Allemagne de l'Ouest littéralement le Vaterland; la mère Christiane a choisi de rester à l'est et de s'investir à fond dans un système non seulement tyrannique mais plus qu'un brin maternant, au point d'être récompensée par ce régime communiste qui entend retenir ses enfants au nid... Mais les enfants qui se croyaient abandonnés par leur père vont se rendre compte que leur mère n'était pas parfaite non plus.

C'est moins un exercice de nostalgie que le récit d'une déception qu'Alex tente de mitiger en inventant petit à petit une uchronie où c'est l'Allemagne de l'Est qui absorbera l'Allemagne de l'Ouest tout en se démocratisant. Sa mère, en fin de compte, n'est pas dupe, mais elle se laisse aussi bercer par ce rêve. Le film donne un aperçu de la vie en RDA : police secrète et surveillance omniprésente, organisation de la jeunesse, contrôle institutionnel des dissidents mais aussi des plus fervents idéalistes (comme Christiane elle-même), pauvreté de la culture matérielle, orientation scientifique, réclamations citoyennes... En 2003, dans le contexte d'un Occident en guerre et d'une Europe presque unifiée, se souvenir de la RDA avec un certain attendrissement n'engageait à rien. Aujourd'hui, dans un contexte de crise économique et de raidissement des droites idéologiques, la nostalgie du communisme retrouve une certaine portée et pourrait rouvrir quelques débats qu'on a voulu croire clos à jamais. Mais si c'est le cas, je veux bien parier que ce ne sont pas les héritiers actuels du communisme en Europe qui offriront le contre-discours le plus convaincant...

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Comments:
excellent résumé quant à moi :)
J'ai bien aimé ce film, même si curieusement, je ne me souvenais pas l'avoir vu !!! Ces derniers temps l'ex Allemagne de l'Est revisite son passé de brillante façon, entre ce film qui n'est pas dénué d'une certaine tendresse pour un passé à la fois porteur d'idéaux et dictatorial, et la vie des autres qui mettait en scène un écrivain surveillé par un policier de la Stasi qui s'émeut peu à peu en se frottant à la réflexion des intellectuels qu'il écoute.
 
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