2009-10-03

 

Vingt-cinq ans de carrière

En octobre 1984 (si je me fie à la date officielle du numéro), je publiais ma première nouvelle (« Œuvre de paix ») dans une revue littéraire plus ou moins professionnelle, imagine... 24. Raymond Dupuis, un artiste d'origine autochtone, avait signé l'illustration que je reproduis ci-dessous. Cela fait donc vingt-cinq ans...Le titre renvoyait peut-être un peu à la célèbre observation que Tacite met dans la bouche d'un ennemi des Romains : « Ni l'Orient ni l'Occident ne les ont rassasiés ; seuls, de tous les mortels, ils poursuivent d'une égale ardeur et les richesses et la misère : enlever, égorger, piller, c'est, dans leur faux langage, gouverner ; et, où ils ont fait un désert, ils disent qu'ils ont donné la paix. » Toutefois, l'intrigue de mon texte suggérait surtout (comme Tacite lui-même) que la paix (romaine...) s'achète parfois au prix de la violence, d'où l'ironie du titre. Une nouvelle cynique? La réaction de Claude Janelle dans L'Année de la Science-Fiction et du Fantastique québécois a été révélatrice :

« Plus jeune, Jean-Louis Trudel représente déjà la deuxième génération d'écrivains de la SFQ qui pointe. C'est un enfant de Reagan. »

« L'idéologie véhiculée par le texte de Trudel fait peur. Elle laisse sous-entendre que la fin justifie les moyens. Oui, Trudel reflète bien le climat réactionnaire de l'époque actuelle. Ça me rappelle les intentions du politicien qui disait : « On veut votre bien... et on va l'avoir.» ».

En fait, la critique de la science-fiction dans tout le monde francophone a longtemps été boiteuse et insuffisante, et souvent dominée depuis les années soixante-dix par des jugements hâtifs et des verdicts idéologiques à l'emporte-pièce. Claude Janelle ne détonnait donc pas en ignorant la distinction entre un texte qui pose la question de savoir si la fin justifie les moyens (« The Ones Who Walk Away from Omelas ») et un texte qui donne la réponse. Si je reflétais le contexte des années quatre-vingt, c'était en trouvant insupportable la division du monde en deux ou trois camps hostiles et surarmés. Le texte posait la question de savoir si, à la lumière des conséquences d'une guerre nucléaire, on pouvait justifier un droit à la dissidence et à la sécession. Cela dit, l'écriture du texte n'était certainement pas à la hauteur de sa problématique...

Je regrette un peu de n'avoir rien écrit depuis qui ait pareillement indigné les critiques. Mais c'est aussi toute la SFCF qui a renoncé à une certaine audace (je ne compte pas comme de l'audace les textes qui versent dans la provocation par la vulgarité, la violence, le sexe, l'invective ou l'horreur — à quelques exceptions près comme « Vieilles peaux » de Claude Bolduc, qui s'en prenait à un tabou majeur de nos sociétés jeunistes). À la même époque, Joël Champetier signait des nouvelles qui, souvent, n'ont pas pris une ride, comme « Salut Gilles ! » et « Karyotype 47, XX, +21 ». Dix ans plus tard, Jean Dion signait « Base de négociation ». Mais depuis?

Libellés :


Comments: Publier un commentaire

<< Home

This page is powered by Blogger. Isn't yours?