2009-05-23

 

Le tour du Courradour

En matinée, Daniel Tron présente « Les racines collectives du langage », qui fait le lien entre les accents et les perceptions que les subjectivités collectives (?) plaquent dessus. Il prend comme exemple l'épisode 1 de Star Wars dont on se souvient justement pour l'accent particulièrement marqué de Jar-Jar Binks. Pour ceux dans l'auditoire qui auraient (heureusement) oublié ce film, Tron rappelle que plusieurs autres personnages ont un accent audible et il nous gratifie d'un visionnement d'extraits (pénibles, car nécessairement parlants!) du film. À défaut de faire preuve d'imagination autrement qu'en nous resservant une ville futuriste comme on en imaginait en 1930 dans le film Just Imagine (visionné en soirée), Lucas s'était défoulé en attribuant une variété d'accents à ses figurants. (Difficile de parler de personnages quand ce sont des effets spéciaux qui jouent souvent les utilités.)

Les conclusions sur le stéréotypage des accents sont sans surprise, et confirmées par le doublage en français des mêmes scènes (mutatis mutandis). Bref, quand certains accents sont surdéterminés par les préjugés de la majorité des spectateurs et par la construction de la narration, il ne faut pas s'étonner si la science-fiction continue à recruter les mêmes publics...

En fin de matinée, j'ouvre la discussion sur le thème « Comment créer un désir de science chez les jeunes ? » en offrant un survol des publications et rapports récents selon deux axes : qu'est-ce qui justifie de poser cette question ? et, quelles stratégies ont été recommandées ? En effet, s'il y a une désaffection des jeunes de l'OCDE pour les études de haut niveau (doctorat) en sciences et techniques, c'est moins clair au niveau inférieur et les données confondent parfois sciences et techniques. Je me suis donc penché sur les cas particuliers. Au Québec, aucune tendance à la baisse de la diplomation universitaire en science n'était véritablement visible de 1973 à 1996. En France, l’accès grandissant des femmes, des élèves moyens et des élèves précédemment exclus à l’éducation supérieure entraîne des choix différents, favorisant les formations courtes et les formations appliquées. La mise en place (complétée en 1994-1995) de la filière Physique-Chimie au lycée avance l’heure des choix du programme d’études universitaires et les plus ambitieux choisissent alors la filière Mathématiques; ceux qui optent pour Physique-Chimie favoriseront ensuite les études technologiques courtes, tandis que les femmes se détournent de métiers jugés « masculins ».

Certes, si les besoins étaient à la hausse, une stagnation ne serait pas une bonne nouvelle. Or, de 1980 à 2000, le nombre des emplois de scientifiques et d'ingénieurs a augmenté tant au Canada qu'aux États-Unis, au point de représenter 4,5% de la main-d'œuvre. Toutefois, certaines tendances (délocalisation étatsunienne des emplois de recherche et développement) ne portent pas à croire à une hausse marquée des besoins.

D'ailleurs, selon une étude que j'ai déjà citée, la proportion d'élèves qui, au Canada, réussissent avec succès le test de sciences de PISA et qui aimerait consacrer leur vie à la recherche scientifique dépasse allègrement la proportion de personnes employées ès qualités au pays. En France, ce sont au moins un tiers des lycéens qui, selon le rapport Porchet en 2002, affirmaient que les études scientifiques leur faisaient envie et les trois quarts des lycéens soutenaient que le métier de chercheur était bien payé, influent, et donnait une position sociale élevée. Dans la salle, on fait remarquer que ceci a pu changer depuis 2002 en raison de l'effervescence universitaire depuis...

Je termine sur un survol des pratiques et des recommandations du rapport Porchet (pour la France uniquement, bien sûr) et du rapport de l'OCDE (pour les pays qui sont partie prenante). Dans le premier cas, on veut mieux arrimer l'université au lycée, en la rendant plus lisible, plus accueillante et plus adaptée aux acquis des lycéens. Dans le second cas, on veut améliorer la représentation des femmes et des minorités, rendre les professions scientifiques et techniques plus attirantes et améliorer l'enseignement des sciences avant l'université. Si je m'interrogeais sur la justification économique d'une augmentation des vocations scientifiques, Éric Picholle fait remarquer qu'il existe des raisons sociales de favoriser une vision positive des sciences chez les jeunes, voire une réelle curiosité. La discussion ne conclut pas, mais on s'interroge, entre autres, sur l'opinion actuelle des métiers de la recherche et sur le bien-fondé de cibler les jeunes filles pour les amener aux sciences.

***

L'après-midi, nous avons congé et nous partons à cinq pour faire le tour du Courradour, en prenant par la direction qu'on nous annonce être la plus difficile (afin que le retour soit plus facile). De fait, la montée est rude, surtout pour les plus vieux qui n'ont plus trop la forme. Bref, je ne suis pas le seul à m'essouffler dans les sentiers rocailleux qui grimpent en lacets, d'abord dans la pinède, puis dans les pentes broussailleuses. Mais quels points de vue quand on émerge d'abord de la pinède! La photo ci-contre montre, je crois, les ravins creusant le flanc du massif de Clarette. De la neige se distingue au fond des plis et replis du terrain, qui ne donne pas nécessairement envie d'aller se promener sur ces pentes escarpées... Plus loin, ce sont les sommets du Grand Coyer et du Carton qui dévoilent leurs pics encore chargés de neige, culminant à plus de 2600 mètres. (Du moins, ce sont les identifications que je fais après-coup sur la base d'une carte IGN et de la photo ci-contre.) En chemin, c'est d'abord le doyen de notre groupe qui nous quitte pour revenir au bercail. Arrivés au point culminant du parcours, signalé par une pancarte dédiée à la mémoire de Michel Robert, maître berger, nous contemplons, un peu effarés, la pente d'éboulis que le sentier traverse en disparaissant par endroits dans la rocaille. La photo ci-dessous fait voir une partie du sentier (sur la gauche), mais ne donne pas une idée pleine et entière de la pente qui dévalait vertigineusement en contre-bas... Cette fois, c'est la plus jeune qui rebrousse chemin et nous ne sommes plus que trois à chercher par où passe ce sentier à éclipses.La photo ci-contre donne sans doute une meilleure idée de l'aspect que l'amorce du sentier nous présentait, quand nous le cherchions du regard depuis le poteau dressé sur la crête. Après un faux départ en prenant trop haut, nous descendons un peu pour retrouver le sentier. Celui-ci me semble bien mal balisé et un mauvais passage où le sentier est interrompu par un vague ravinement me fait douter de la sagesse de l'entreprise. Néanmoins, la suite du sentier ne nous réserve pas d'autre surprise, même s'il faut se concentrer sur l'étroite sente où nous progressons à la queue leu leu. Il faut bien traverser deux ou trois ruisseaux (qui se jettent dans le ravin du Jargelay), mais ils offrent aussi de splendides coups d'œil sur ces ravins de montagne. Une fois de retour sur le plat, nous découvrons l'autre côté du plateau du Courradour, et la vue est magnifique. Le plan du Rieu est encore couvert de quelques plaques de neige et le panorama nous offre non seulement les sommets de la Mole, du Petit Coyer et du Lançonnet, mais aussi une cordillère plus lointaine (visible dans la photo ci-dessous) que je ne peux pas identifier. Fait-elle partie du Haut-Verdon? En tout cas, le paysage est désormais authentiquement alpin.Quand nous nous retournons, après avoir étanché notre soif, nous découvrons le point culminant du Courradour, à 2157 mètres. La pente douce nous appelle presque à une ascension, mais l'heure avance et il nous reste encore à couvrir les deux tiers du chemin pour boucler la boucle du Courradour. Sur le chemin du retour, la neige est au rendez-vous, obstruant le sentier. Heureusement que celui-ci est mieux balisé, mais la neige donne du fil à retordre à qui sont partis en sandales — ou qui n'étaient pas en train de patauger dans la sloche montréalaise il y a un mois à peine. Le plus curieux, c'est l'intermittence de la couverture neigeuse dans le bois des Frousts dont nous suivons la lisière en hauteur, à l'ombre du Courradour. Les transitions sont abruptes. Quand la neige disparaît enfin, c'est au milieu d'un pré vert et fleuri, qui a l'air de vivre le printemps depuis des jours ou des semaines... Dans la photo ci-dessous, on distingue même ces petites fleurs blanches si on regarde bien.Le plateau du Courradour étant de forme vaguement triangulaire, l'éperon où nous faisons halte ensuite pour admirer le paysage correspond au dernier sommet de notre parcours avant le retour à Peyresq, au terme d'une descente progressive par les fonds de la Grau. Il occupe une hauteur qui domine le pré de Thorame (ou en fait partie?).Mais avant de repartir, je prends la photo ci-dessus du paysage. Au premier plan, le massif de la Femme couchée nous présente ses contreforts; il est couronné par la forêt de l'Orgéas, qui s'étend de gauche à droite, entaillée au milieu par le profond ravin des Baumes. Selon la carte, un sentier de randonnée épouse les contours du versant rocailleux en face, mais, même sur la photo à haute résolution, je n'arrive pas à le discerner avec certitude... Pas sûr que je m'y lancerais!

Nous sommes de retour à Peyresq presque dans les temps. Une dernière pause sur l'éperon rocheux qui offre un point de vue sur l'entrée du village. D'autres visiteurs ont laissé sur cette esplanade naturelle des sculptures, dont cette tête qui pourrait avoir appartenu à quelque statue ensorcelée chargée de garder le village...

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