2009-03-30

 

Les véritables barbares

Dans son film désabusé de 2003, Les Invasions barbares, Denys Arcand entonnait une complainte connue de toutes les générations successives de vieillards qui s'en sont pris à leurs descendants impies et indignes avant de passer de vie à trépas. Les jeunes ne respectent plus rien, ce sont des barbares, le monde s'en va déclinant et la catastrophe finale est pour demain...(Détail du « Sac de Rome » peint par Joseph-Noël Sylvestre en 1890)

Si le personnage du fils dans le film est censé incarner un matérialisme à dédaigner, cela rejoint évidemment une très vieille hostilité de l'intelligentsia canadienne-française à l'argent et à la finance. Et les sociaux-démocrates bon teint ont hérité cette méfiance des curés catholiques qui les ont précédés dans leur rôle de maîtres à penser de la société québécoise. Bref, à l'aube du vingt-et-unième siècle, il est clair qu'on doit encore se méfier du succès au Québec — ce qui est assez ironique de la part d'un cinéaste encensé comme Denys Arcand.

Mais Arcand avait le nez fin : le personnage du fils n'était pas seulement riche (ce qu'il aurait pu être à titre d'artiste, d'athlète ou d'entrepreneur), il l'était parce qu'il travaillait dans la finance internationale... Agent de change à Londres, cela le posait en héritier du grand capital britannique honni de générations successives d'intellectuels québécois, sans parler des vieux fonds d'antisémitisme que cela pouvait remuer. Or, les banquiers, les courtiers et autres joueurs du monde de la finance font aujourd'hui figure de barbares tout à fait capables de piller les richesses de notre civilisation et d'abattre les colonnes du temple. Seulement, au lieu de venir de l'extérieur comme Arcand le suggérait dans une autre scène où Roy Dupuis déplorait les vagues d'immigrations, sans parler de la séquence qui montrait l'attentat du 11 septembre, les barbares sont venus de l'intérieur.

Et jusqu'à preuve du contraire, la plupart était de la génération d'Arcand ou de ses personnages fétiches de la génération lyrique : Joseph J. Cassano (environ 54 ans), Charles Prince (59 ans), Franklin Raines (60 ans), Richard Fuld (62 ans), Phil Gramm (66 ans), Angelo Mozilo (environ 70 ans), James Cayne (75 ans). Quant à Alan Greenspan (82 ans), c'est tout le contraire d'un des jeunes barbares condamnés par Arcand...

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