2009-01-10

 

Les noms de Louis Riel

Pour plusieurs historiens et plusieurs témoins contemporains, le changement de nom de Louis Riel qui commence à signer et à se faire appeler Louis « David » Riel vers 1875 confirme son déséquilibre mental ou sa folie des grandeurs. Pourtant, il me semble qu'il avait déjà assumé d'autres noms à l'occasion. Après les événements de 1870, il voyage sous un nom d'emprunt quand il se rend à Ottawa et visite le Parlement. Et ne signe-t-il pas certains textes d'opinion dans les journaux d'un nom de plume? (Encore que cette pratique était fort répandue dans l'Amérique du Nord du XIXe siècle, tant en anglais qu'en français.)

Autant de noms autant d'identités? Du point de vue de la culture algonquienne traditionnelle, il était naturel de porter plusieurs noms dans sa vie, simultanément et successivement, dont certains noms à l'usage de la famille ou des intimes, mais aussi des sobriquets pouvant refléter tel ou tel incident marquant, ou correspondre à différentes époques de la vie. Les Métis des Plaines avaient pour proches alliés les Anishinaabé et les Crees. On ignore dans quelle mesure leurs us et coutumes auraient pu influencer Louis Riel. Néanmoins, il me semble qu'il conviendrait de se poser des questions sur l'autre versant de la personnalité de Louis Riel ; les attitudes anishinaabé face aux changements de nom et leurs croyances sur le contact avec les puissances spirituelles pourraient sous-tendre une partie de la vocation prophétique de Riel, en sus de son éducation à Montréal dans le cadre d'un catholicisme ultramontain plus ou moins fanatisé.

Quand on lit les écrits de Riel, il est clair que le contenu de ses emportements est entièrement tiré de son éducation chrétienne, mais s'il avait constaté une concordance entre les pratiques amérindiennes et les enseignements au Séminaire de Montréal, il aurait pu en retirer une assurance plus grande... Personnellement, je ne me prononcerai pas, car je n'ai pas assez fouillé la question, mais un incident pourrait être révélateur, dans un sens ou dans l'autre. Quand Riel est appelé à entrer à l'asile, soit celui de Beauport soit celui de Longue-Pointe, il refuse le faux nom dont on veut l'affubler pour lui assurer l'incognito. Parce qu'il rejetait un nom choisi par d'autres que lui? Ou parce que je fais fausse route en voulant rattacher ses délires aux croyances amérindiennes?

N'empêche que je résiste mal à l'envie de faire remarquer que le diagnostic de démence de Riel reposait, entre autres, sur sa conviction de converser avec Dieu. Plus d'une fois, le président George W. Bush semble avoir indiqué qu'il était l'instrument et le porte-parole de Dieu, mais sans se faire envoyer à l'asile...

Sauf que Riel l'a parfois revendiqué de manière plus poétique et en faisant appel à une technologie canadienne du dernier cri, vers 1877 :

« Quand je vous parle, c'est la voix de Dieu qui sonne
Et tout ce que je dis vous est essentiel
Je suis le joyeux téléphone

Qui vous transmet les chants et les discours du ciel.
Je fais communiquer de manière insigne
Le Séminaire avec la maison de la Vigne,
Quelqu'un chante d'en haut : et j'en suis le témoin :
Que vous êtes si proche et cependant si loin.
...
Je suis l'eau du Jourdain qui coule et qui murmure
Grâce à Jésus-Christ
Mon humble personne
Est le téléphone
Du Très Saint-Esprit.

Je parle au nom de Dieu qui condamne et pardonne. »

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