2008-08-23

 

De la fantasy anglo-saxonne

Dans In a Time of Treason (Tor, 2008), David Keck joue à fond la carte de la fantasy nordique. Il a mis en place un monde mi-anglo-saxon, mi-scandinave, un peu comme Guy Gavriel Kay dans The Last Light of the Sun. Mais Kay s'inspirait beaucoup plus ouvertement d'un contexte géographique et historique très spécifique, celui de l'Angleterre du roi Alfred. Et la magie restait confinée à des enclaves et des manifestations dont elle ne pouvait pas vraiment déborder. Ce monde n'était pas encore désenchanté, mais il en prenait le chemin.

Par contre, Durand, le héros de Keck dans ce livre et dans le précédent, In The Eye of Heaven, évolue dans un monde où la magie et les êtres surnaturels du passé menacent toujours de briser leurs chaînes et de régner de nouveau sur les mortels. Au besoin en se nourrissant des âmes des morts...

Originaire de Winnipeg, Keck signe un roman très sombre et pas très joyeux. Durand est un chevalier de la suite de Lamoric, le fils cadet d'un duc qui, au terme d'un hiver éprouvant dans une place forte mineure, est sommé de se rendre auprès du roi. Durand a juré allégeance à Lamoric, mais ce qui le retient auprès de ce jeune noble sans fortune, c'est aussi son attirance pour Deorwen, la femme de Lamoric. Le sentiment d'être traître et félon le pousse en même temps à se battre comme un fou furieux pour Lamoric.

Si le roman débute un peu lentement, les choses se corsent vite. Le roi n'a convoqué ses grands vassaux que pour les retenir comme otages. Lamoric et sa suite échappent de peu au piège, mais ils se retrouvent à la cour de son père le duc. Le duc Radomor est en visite et il défie l'héritier, qui refuse le combat. Il meurt quand même, gelé dans son propre lit par un acte de sorcellerie, et Lamoric relève le défi. Mais ce n'était que le prélude du plan de Radomor et de ses nécromanciens pour conquérir le duché. Sièges et batailles s'ensuivent, et Durand enchaîne les exploits, souvent pour sauver ou protéger Deorwen.

Tout ce qu'il faut pour composer une épopée de fantasy est là, mais je dirais que Keck ne réussit pas à en faire un tout. Il a soigné la création de monde, témoignant d'une connaissance approfondie du monde scandinave et anglo-saxon du Haut Moyen Âge. Il a soigné la langue, privilégiant les mots anglais d'origine anglo-saxonne et non grecque, latine ou française, ce qui confère une atmosphère aussi fruste qu'authentique au roman. Il a décrit des sièges et des batailles d'une rare intensité. Il a imaginé des monstres, des coutumes et des stratagèmes ingénieux.

Et pourtant... La fureur des sagas est bien présente, mais le roman manque de personnages sympathiques — ou tout simplement compréhensibles. Quand le fils aîné du duc d'Acconel est tué de manière surnaturelle, il n'y a pas de conséquence. Les personnages réagissent comme s'il était mort de mort naturelle, et que le duc Radomor n'était pas un suspect. Et quand Deorwen se déguise pour rejoindre l'armée de son mari, ou bien Durand, on se pose des questions qui ne recevront jamais de vraies réponses. Le roman nous invite à plonger en apnée, mais on aimerait ressentir au moins un peu l'ivresse des profondeurs.

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