2008-07-14

 

Europe 1990 (2)

J'ai passé le 14 juillet 1990 à Nogent-le-Rotrou, en famille, sous un beau soleil. De retour de ma tournée de la péninsule ibérique, j'en profitais pour me reposer et pour repenser ma façon de voyager. Une courroie de mon sac à dos qui me permettait de le porter en bandoulière avait lâché dans une gare en Espagne, alors que je courais d'un train à l'autre. Et puis, de l'Espagne au Portugal, j'avais pu constater que si un marcheur peut avoir besoin de tout ce que contient un sac à dos, un simple voyageur qui va profiter d'auberges de jeunesse en plein été (aucune crainte d'avoir froid la nuit sans sac de couchage), de pensions pas chères ou de petits hôtels peut très bien s'en passer. J'ai donc complété ma tournée européenne en utilisant un simple sac de voyage à poignées, avec courroie pour le porter en bandoulière. Photo ci-contre de ce qui reste aujourd'hui de ce sac (qui a dignement servi pendant quelques années de plus — mon périple européen n'avait quand même pas suffi à l'achever). Il y avait suffisamment de place dedans pour transporter une paire de draps cousus (pour les séjours en auberge), un appareil photo 35 mm, une trousse de toilette, une serviette et un gant de toilette, un Eurailpass, de quoi porter du linge propre trois jours de suite avant d'avoir à faire une lessive, une boîte de détergent à lessive, de la lecture, des ustensiles pour pique-niquer, un Let's Go Europe (et peut-être un second guide du même genre) et un journal de bord. Sans compter quelques cartes postales et dépliants... Mettons que je me suis fait arrêter une fois ou deux par des douaniers qui n'arrivaient pas à croire que je voyageais en ne transportant que ce sac. Je n'ai pas songé qu'ils pouvaient me soupçonner d'être un passeur... Pourtant, c'était idéal comme façon de voyager : à condition de ne pas craindre de me démettre l'épaule ou de me flanquer une scoliose, je pouvais le transporter partout, le garder sous mes pieds dans l'autobus, sous ma tête dans un compartiment couchette en train et ne pas craindre pourtant qu'un voleur à la tire soit tenté de s'enfuir avec quelque chose d'aussi lourd et volumineux!

Mais, le 14 juillet, pour ne pas rester à me tourner les pouces, j'étais sorti pour visiter un des rares endroits ouverts en ce jour, soit le château de Nogent-le-Rotrou. Le château en question a connu de nombreuses avanies au fil des siècles. Le donjon, un des plus vieux en France, a été ruiné durant la guerre de Cent Ans, mais les murs du donjon ne se sont pas écroulés dans l'incendie qui a fait dégringoler tout le reste. La photo ci-contre, prise du pied du donjon, sous un passage voûté, montre les fenêtres béantes de l'édifice et ce qui reste du grand âtre qui servait à réchauffer l'étage ou faire la cuisine, ou les deux... Les gravats et débris laissés par l'incendie du XVe siècle n'ont été déblayés qu'à la fin du XIXe siècle, par un propriétaire entiché d'archéologie en amateur. On avait retrouvé dans l'amas de moellons et de poutres calcinés les squelettes de deux ou trois soldats, je crois bien, ainsi que celui d'un chien. Comme par hasard, ce 14 juillet 1990, la cour du château accueillait une exposition de sculptures par un artiste de la région (ou plusieurs?). Et j'avais pris une photo de ce moulage (en bronze?) d'une paire de chiens sculptés. (Derrière, on voit l'étage supérieur d'une résidence aménagée par les châtelains des siècles qui ont suivi la guerre de Cent Ans.)Le programme de la journée n'avait pas été beaucoup plus élaboré. J'avais déjà fait le tour de Nogent-le-Rotrou de nombreuses fois et il ne me restait pas grand-chose à voir de neuf. Mon intérêt pour le bourg ne se renouvellerait que cinq ou six ans plus tard, quand je commencerais à travailler sur la série des « Saisons de Nigelle », ce qui me pousserait à explorer plus systématiquement les vestiges du passé à Nogent-le-Rotrou. En fin de journée, comme c'était le 14 juillet, nous sommes allés à dix assister au traditionnel feu d'artifice.

Le lendemain, toutefois, j'allais convaincre une partie de la parenté d'aller visiter Frazé et Illiers-Combray, à une trentaine de kilomètres de Nogent, soit l'équivalent d'une journée de marche... ou d'une petite demi-heure en voiture. J'étais passé par là en juin et j'en avais profité pour explorer l'univers proustien de Combray, inspiré par une causerie de Kim Stanley Robinson à un congrès de science-fiction — sans doute à Readercon, en 1990. Je ne sais plus si j'avais commencé à lire La Recherche du temps perdu, que je ne complèterais qu'au cours de l'année suivante, à Toronto, mais j'avais quelques notions de l'univers proustien que j'ai enrichies en visitant la maison de la tante Léonie et en passant par Méréglise (Méséglise chez Proust) le jour suivant, à pied. C'est sans doute dans le courant de cette journée du 15 juillet qu'un oncle m'a pris en photo, mais le cliché n'est pas daté et il pourrait tout aussi bien s'agir du 14 juillet, dans le jardin de la maison des grands-parents.(Le photographe surpris par un autre photographe...)

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