2008-01-18

 

Cloverfield

C'est sans doute le premier film depuis The Blair Witch Projet dont l'héroïne est une caméra. Et celle-ci a d'autant plus de mérite qu'elle survit à des courses affolées en pleine foule, à plusieurs attaques de créatures monstrueuses, à une chute d'hélicoptère et à un bombardement massif de l'armée étatsunienne. (Tandis que la pile dure au moins deux heures, si ce n'est six ou sept...) Si seulement je connaissais le modèle, je me précipiterais pour l'acheter.

La caméra se souvient de choses dont les personnages ne parlent pas et c'est elle qui a le dernier mot. (On la plaint presque quand elle se retrouve à filmer le sol, ou qu'elle tente en vain de choisir une focalisation sur un visage ou des brins d'herbe...) Sa transformation en personnage rend le film plus supportable, en fait, puisqu'elle a survécu tandis que la plupart des autres personnages n'ont pas eu cette chance.

Personnellement, j'ai été déçu par ce film. Les meilleures scènes avaient déjà été diffusées par les bande-annonce, tandis que les autres rappelleront la série des Aliens... ou le 11 septembre 2001. Et comme le 11 septembre, on entend les victimes demander pourquoi. Pourquoi elles? Mais pourquoi, puisque nous sommes des victimes innocentes et que nous n'avons rien fait? L'absence d'éclaircissement quant aux origines du monstre permet effectivement de croire que l'attaque n'est pas motivée ou justifiée, mais les critiques new-yorkais qui se plaignent que le film bafoue la mémoire des victimes du 11 septembre oublient de mentionner que c'est aussi un film dont l'absence de mise en contexte politique ou écologique (comme dans les films japonais) frise l'exonération totale des États-Unis.

Dans un article du New York Times, un certain James Sanders qui a écrit un livre sur la mise en scène de New York au cinéma affirme que la destruction de New York est plus fascinante que celle d'une banlieue anonyme : « What would be the point of showing a demolished suburban street? You’d get the point but it just wouldn’t have the punch. You take the most familiar, iconic symbol of civic society in the world — a big city, and for Americans, that’s New York — and that’s where disaster is going to be the most powerful. »

Une fois, peut-être, mais quand on l'a vu trop souvent, on peut juger que le saccage de Bayonne, au New Jersey, par des envahisseurs extraterrestres dans le War of the Worlds de Spielberg est beaucoup plus efficace justement parce que ces rues anonymes sont aussi les rues familières des quartiers que nous habitons. Le film de Spielberg avait l'habileté d'éviter New York : il nous montrait plutôt une banlieue ouvrière, une banlieue plus cossue, des aperçus de la campagne, puis Boston, une ville qui n'a pas la même présence mythique que New York au cinéma. Et, somme toute, je trouve que cela fonctionnait beaucoup mieux que Cloverfield.

Certes, les spectateurs qui ont grandi avec Friends ou Sex and the City se sentent peut-être chez eux à Manhattan, au point d'être viscéralement touchés par les scènes de destruction dans les rues de New York. Pourtant, j'ai déjà visité, et pas plus tard que novembre 2006 (photo ci-contre), mais ceci n'a pas augmenté l'effet du film et m'a plutôt inspiré des interrogations sur le réalisme de certaines scènes. Le gratte-ciel appuyé sur un autre, par exemple, mais qui ne tombe pas... Il y a aussi la vitesse des déplacements des protagonistes, du pont de Brooklyn jusqu'à Central Park. Ce serait déjà une bonne heure de marche, mais ils font aussi un détour pour sauver une amie (se tapant une cinquantaine d'étages dans un gratte-ciel, en montant, puis descendant). Et je n'ai pas toujours compris comment les personnages faisaient pour trouver à point nommé une trique quelconque pour assommer telle ou telle créature. Bref, le film essaie de faire oublier tout ce qu'il a de conventionnel (jolis jeunes gens en train de se faire massacrer) en utilisant une caméra d'amateur, en faisant preuve d'un minimum de réalisme (même s'ils étaient aussi vernis que des potiches, ou gambadaient dans un champ de trèfles à quatre feuilles, des personnages courant sus au danger risqueraient surtout la mort) et en terminant sur une note aussi noire qu'ironique. On a déjà analysé les slasher movies en terme de punition immanente de la sexualité prématurée — or, la première partie du film bascule quand on apprend que deux personnages qui périront ont couché ensemble après avoir longtemps été de chastes et platoniques amis (Friends encore...), mais fallait-il vraiment détruire tout Manhattan pour châtier une amour de jeunesse? Du coup, je trouve qu'un film de série B comme The Host acquiert un certain charme rétrospectif et comparatif...

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Comments:
Et bien, voilà une chose qui ne m'arrange pas. Je me réjouissais de cette attente, comme le bon dessert au chocolat qu'on lèche des yeux derrière une vitrine, et manque de pot, ce dernier n'avais pas de goût.
J'irai sans doute le voir pour m'en faire une idée par moi-même, néanmoins merci pour cette critique des plus objectives qui aidera dans son choix le public français et dont je donne le lien sur mon forum.
 
Combien de fois a-t-on détruit New York au cinéma depuis le 11 septembre 2001? Il me semble qu'on l'avait déjà fait beaucoup avant, et dans le contexte actuel je trouve de telles scènes plus désolantes que provocatrices. Sans compter que c'est un peu lassant, dans les disaster movies, de toujours voir écoper les grosses structures iconiques. Je comprends l'utilité de la Statue de la Liberté dans La planète des singes, mais qu'est-ce que la statue a bien pu faire au monstre de Cloverfield pour mériter d'être décapitée si vite?

Le film m'a semblé réussi sur plusieurs points, mais un peu vide en fin de compte.
 
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