2007-08-17

 

Un avenir canadien-français

En 1925, un clerc de Saint-Viateur à la retraite, le père Moïse-Joseph Marsile, signe un hymne au Canada (français) en huit mille vers, Les Laurentiades, Retour au Pays des Aïeux. Né à Longueuil le 17 novembre 1846, il s'était retiré alors à Oak Park, Illinois, après une longue carrière aux États-Unis, où il avait rejoint le Collège de Saint-Viateur à Bourbonnais, en Illinois, vers 1871. Devenu le directeur du collège avant 1880, il allait en gouverner les destinées pendant un quart de siècle et l'institution connaîtrait un essor qui en ferait le plus important collège viatorien aux États-Unis. Une rue porte toujours son nom à Bourbonnais, d'ailleurs, bordant le site du collège, fermé en 1938 et maintenant occupé par une université méthodiste.

Son long poème se termine, comme de juste, après de nombreuses invocations du passé, par quelques vers sur l'avenir du Canada français :

Mais pour n'être pas saint, vieux sol, je t'aime autant,
Et comme lui, ne suis-je pas chanteur, voyant?
Aux clartés de l'Histoire — habitué — l'esprit sonde
En les nuits d'avenir ce qui transforme un monde...
Écoute ma prière et reçois mes souhaits :
À genoux, devant Dieu, tout pour toi, je les fais.
Que sorte de ma bouche une langue exquise
Au ciel, qui change un sol en la terre promise!
Ah! puissent sur ton âme ainsi que sur tes champs
S'épancher tous les dons, comme aux moites couchants
Les azurs font pleuvoir en gouttes la rosée,
Pour te rendre, ô ma gent, pareille à l'épousée!

Ton berceau fut jadis taillé dans le granit,
La fougue dans ton sang à la grâce s'unit;
Bâtis ton avenir bien haut sur cette assise,
Aime du même amour la Patrie et l'Église,
Tes efforts soutenus par la terre et les cieux
Sauront renouveler la geste des aïeux.
À l'incrédulité ferme toujours l'oreille :
Elle ne refera jamais cette merveille
Fruit d'une double force, au temps barbare encore.
La Science et la Foi préparent l'âge d'or :
N'est-ce, encor, beaux esprits, qu'une illusoire cible?
Aux lois discipliné, tu seras invincible.
Tout imbus de respect pour l'âme et pour le corps,
Tes filles et tes fils croîtront nombreux et forts.
Quand règnera la paix en bienfaisante reine,
Aux forêts plus d'un bras étendra ton domaine :
La paroisse, nouvelle, à l'ombre du clocher,
Travaillera semblable à l'essaim du rucher
Et mille métiers, mus par les chutes des rives,
À leurs bruits incessants tiendront les mains actives.
La mine livrera — caché — plus d'un trésor,
La puissance du jour : le fer, l'argent et l'or.
À l'heure des combats, cœur plein de ta noblesse
Et, riche de ton sang, ne crains pas qu'un fils laisse
Ton étendard sans tache aux mains de l'ennemi.
Peuple de laboureurs, sur la terre affermi —
Où toujours la vaillance avec la vertu germe —
Marche à l'appel de Dieu, sans détours, jusqu'au terme.
Puissent les tiens compter des héros immortels
Et, parmi leurs fleurons, des saints pour les autels!


C'est le milieu de ce passage, mentionnant une paroisse nouvelle et idéale, qui permet de rattacher Marsile aux idées d'Antoine Gérin-Lajoie dans Jean Rivard, voire de Pierre-Joseph-Olivier Chauveau dans Charles Guérin. L'avenir appartient, encore et toujours (en 1925!), au défrichement et à l'industrie rurale, ou tout au plus à l'exploitation des matières premières. Et les métiers restent mus, semble-t-il, par l'énergie hydraulique (à bien distinguer de l'hydro-électricité). Mais, après tout, Jean Rivard est paru du vivant de Marsile et il a connu cette époque qui a vu le diptyque de Gérin-Lajoie faire souvent partie des distributions de prix dans les écoles du Canada francophone.

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