2007-07-20

 

L'astronomie du futur

Histoire de juger du genre de space-opéra que publie la maison Bragelonne, je lis ces jours-ci L'Étoile de Pandore de Peter Hamilton. Comme il s'agit d'un auteur britannique, c'est donc traduit de l'anglais, mais je ne crois pas que le style perde grand-chose au passage. Le futur imaginé par Hamilton s'appuie sur la maîtrise de la technologie des trous de ver au milieu du XXIe siècle, qui permet le déplacement instantané dans l'espace en sautant instantanément un certain nombre d'années-lumière. En quelques années, l'humanité occupe un nombre grandissant de planètes à l'intérieur d'une sphère, le Commonwealth, centrée sur la Terre.

La possibilité de relier deux planètes différentes en passant par un simple portail réhabilite la technologie ferroviaire (au détriment de celle des vaisseaux spatiaux). Ainsi, le monde du XXIVe siècle n'est pas si différent du nôtre. Il n'y a pas de Singularité technologique en vue et la technologie dont disposent les personnages demeure compréhensible pour les lecteurs du début du XXIe siècle. Le décor est parfois étonnamment familier, voire légèrement steampunk sur les bords. En tout cas, j'ai souri quand un astronome voit au télescope une étoile disparaître. Si cela marche à la fin du film Simple Mortel, c'est parce que Jolivet met en scène un astronome amateur. Dans L'Étoile de Pandore, il s'agit quand même d'un astronome de métier, employé par une université, quoique l'astronomie soit très maigrement financée dans ce futur où elle est devenue un simple outil de repérage interstellaire pour certains. Le problème, c'est que, de nos jours, les astronomes ne regardent plus les étoiles au télescope. Si même ils se trouvent dans un observatoire, ils se serviront à la rigueur d'une lunette pour braquer le télescope dans la bonne direction, mais l'observation se fait le plus souvent à l'écran. Et c'est comme ça depuis près d'un siècle... Au Canada, le Dominion Astrophysical Observatory de Victoria, en Colombie-Britannique, date de 1918 et abrite toujours le deuxième plus grand télescope en terre canadienne. (La photo ci-dessus reproduit l'entrée, avec les armoiries nationales, telle que je l'ai empruntée en mai 2001.)

Le dôme qui abrite le télescope principal de 1,83 m ressemble en fait beaucoup aux installations légèrement postérieures du David Dunlap Observatory à l'Université de Toronto, qui possède le plus grand télescope actif en terre canadienne. Mais les deux télescopes ont été rattrapés par l'étalement urbain et la pollution lumineuse, de sorte qu'il faut choisir soigneusement les projets réalisables dans ces conditions. De plus, si le télescope de Victoria a pu revendiquer (très brièvement) le titre de plus grand télescope de la planète, tel qu'on peut le voir à droite, cela fait longtemps qu'il a été réduit au rang d'instrument de troisième ordre par les nouveaux géants qui opèrent en Amérique du Sud ou à Hawaii. Et cela fait désormais une bonne trentaine d'années qu'on branche les miroirs principaux de tels télescopes sur des télévisions en circuit fermé, sans parler des dispositifs numériques plus récents. Il y a plusieurs raisons à cela, dont l'effet perturbateur d'un humain à proximité d'un télescope en opération. Perturbateur? Mais oui : quand on désire optimiser la stabilité de l'air nocturne dans un observatoire, il faut supprimer toutes les sources de chaleur intempestives. Et l'être humain rayonne quand même un certain nombre de watts susceptibles de réchauffer l'air et de provoquer des remous et turbulences qui réduiront la précision de l'image... Sauf erreur, on voit sur cette photo prise en mai 2001 les lunettes (ces tubes jaunes accrochés à la base du télescope) qui servent — ou servaient — au guidage approximatif du télescope.

L'astronome de Peter Hamilton observait-il le ciel au moyen de ces instruments d'appoint quand il fait l'observation capitale qui change tout? Il me semble que le roman parle bien d'observation en tant que telle... ce qui est donc suranné. Je crois me souvenir qu'il y a longtemps, avant l'époque des télévisions branchées sur le miroir principal, on pouvait accoupler un objectif au télescope principal pour faire un ultime ajustement, mais ce n'était plus recommandé à Toronto de mon temps. Même au début du siècle dernier, l'observation en tant que telle se faisait déjà très souvent en exposant des plaques photographiques tandis que l'astronome ou un assistant s'assurait de garder le télescope braqué sur la cible choisie... Bref, la scène du roman fait sans doute un peu plus vieux-jeu que prévu.

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