2007-07-13

 

Au temps des arc-en-ciel

Le roman de Vernor Vinge en lice pour un Prix Hugo cette année, Rainbows End, fait preuve de l'optimisme technologique cité par Hartwell en fin de semaine comme faisant défaut à la sf européenne. Le protagoniste, Robert Gu, un poète encensé au siècle précédent, revient à la vie, récupérant non pas de la mort du corps mais de celle de l'esprit. De nouvelles techniques médicales le tirent des profondeurs de la démence d'Alzheimer et le rajeunissent.

Il se retrouve dans un monde fort différent de celui dont il se souvient. Vingt ans plus tard, vers 2025, les ordinateurs font maintenant partie de l'habillement et l'interface visuelle se dissimule dans des lentilles de contact. Des accélérateurs magnétiques expédient les colis dans les airs pour assurer les livraisons... accélérées. Et la médecine peut faciliter l'apprentissage rapide de langues ou de nouvelles techniques.

La biotechnologie pourrait même fournir aux personnes mal disposées la possibilité de contrôler les esprits, de sorte que c'est une personne bien intentionnée qui a entrepris de développer cette possibilité (qui n'est pas sans fondement, selon certaines études du Toxoplasma gondii, entre autres parasites connus) avant tout le monde. Robert Gu, dont le fils et la bru appartiennent aux forces militaires des États-Unis, va se retrouver mêlé à une tentative compliquée de révéler les secrets des labos biotechnologiques de l'Université de la Californie à San Diego. Comme un des agents dirigeant cette infiltration joue un double jeu et cherche à camoufler ces mêmes secrets, tandis qu'un contractuel qui pourrait être une intelligence artificielle en fait de plus en plus à sa tête, les opérations se compliquent à l'extrême... mais tout est bien qui finit bien.

En fait, les choses se terminent si bien, sans que personne ne meure ou ne subisse de tort irréparable, hormis peut-être l'IA, qu'on a l'impression de lire un roman pour jeunes. L'impression est renforcée par le rôle que jouent la petite-fille de Robert Gu et plusieurs autres jeunes personnages. La conclusion exprime même l'espoir de Robert Gu que tout puisse devenir possible pour lui.

Le refus d'accepter les limites de la condition humaine est donc patent. (Pourtant, c'est assez difficile de croire à la perfection des progrès techniques décrits quand l'éditeur Tor n'a pas été foutu, en combinant les meilleurs directeurs littéraires, réviseurs et logiciels orthographiques d'une grande maison new yorkaise, d'empêcher la répétition systématique de viola là où l'auteur désirait évidemment mettre « voilà! », en français dans le texte... Et j'ai l'édition de poche!)

Cela dit, même si la plupart des thèmes ne sont pas bouleversants de nouveauté (j'en ai déjà abordé quelques-uns dans ma propre fiction), Vinge crée un monde détaillé et intéressant. Le souci du détail rend ce monde vraisemblable, même si on peut s'interroger sur la vraisemblance d'une interface exigeant un contrôle minutieux des gestes et des regards. Quand on songe à l'importance des expressions faciales pour la vie sociale, on doute qu'on accepterait de sacrifier celle-ci à l'interaction avec le monde virtuel.

Reste l'intelligence artificielle appelée Mr Rabbit (qui a le malheur, en ce qui me concerne, d'arriver quelques mois après le film The Last Mimzy, où un lapin incarnait aussi la transcendance technologique). Ce personnage est-il l'émanation d'un quelconque inconscient culturel collectif, comme le laissent entendre quelques lignes? Le mystère subsiste à la fin du livre. Et le titre (qui est aussi le nom d’une résidence de retraite) trahit une certaine ambiguïté, identifiée comme telle par le narrateur. Au propre, il signifie que les arc-en-ciel ont une fin. Mais dans l’anglais abâtardi des États-Unis actuel, il pourrait désigner le bout ou l’extrémité d’un arc-en-ciel.

Or, le premier sens pourrait indiquer un retour à un certain réalisme au sujet du futur qui, malgré tout ce qui va mieux, n’est pas une utopie. L’année 2025, ce sera aussi le quatre-vingtième anniversaire des aînés du baby-boom, cette génération bénie dont la trajectoire commencera, selon les statistiques de la longévité moyenne, à trouver son terme durant les années suivant cette date. Je ne crois pas que ce soit un hasard. La mort serait alors le terme naturel des espérances de cette génération que Vernor Vinge précède d'une seule année.

Mais l’extrémité de l’arc-en-ciel, c’est aussi le lieu qui cache un chaudron rempli d'or ou un quelconque autre trésor, selon le folklore. Le monde de Rainbows End serait-il sur le seuil de l’utopie? ou de la Singularité?

Le trésor est bien caché...

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