2007-03-13

 

La majorité québécoise

Richard Martineau vient de signer un billet dont on parle beaucoup, « Bouscotte contre La vie la vie ». Sa thèse? Elle est donnée par ce paragraphe :

« Il y a encore des gens, au Québec (c’est même la majorité), qui s’identifient davantage aux héros de Bouscotte, de Terre humaine ou du Temps d’une paix. Des gens qui ne se reconnaissent pas dans cet univers virtuel. Des gens qui ont les deux pieds bien ancrés dans la terre, et dont la vie ressemble davantage à une chanson de Félix ou de Mes Aïeux qu’à une toune de Stefie Shock ou de D. J.Champion. »

Est-ce bien le cas? Comme les résultats du recensement de 2006 commencent à sortir, il est possible de jeter un coup d'œil aux chiffres sur les régions urbaines du Québec. Certes, il faut comprendre que la définition de l'urbanisation adoptée pour le recensement remonte au XIXe siècle quand on voulait distinguer la campagne des fermes et des hameaux du monde des petites et grandes villes. Aujourd'hui, le seuil d'un millier de personnes ne nous paraît plus distinguer la ville de la campagne.

Cela dit, les régions urbaines du Québec réunissent quand même 80,2% de la population de la province et les sept plus grandes régions urbaines (qui sont aussi celles dont la population représente 1% ou plus de la population provinciale) totalisent 61,4% de la population du Québec. Dans l'ordre, ce sont :

Montréal — 3 316 615 hab. — 43,95%
Québec — 659 545 hab. — 8,74%
Gatineau — 212 448 hab. — 2,82%
Sherbrooke — 134 610 hab. — 1,78%
Trois-Rivières — 121 666 hab. — 1,61%
Chicoutimi — 106 103 hab. — 1,41%
St-Jean-sur-Richelieu — 78 519 hab. — 1,04%

Évidemment, le lieu de résidence ne correspond pas toujours au sentiment d'appartenance, et il est également clair que la vie au centre-ville de Montréal n'est pas nécessairement le modèle de la vie ailleurs dans ces centres urbains. En revanche, la majorité des Québécois sont ou bien des urbains ou bien des banlieusards; la plupart d'entre eux s'identifient-ils vraiment au Temps d'une paix?

L'alternative de Martineau est sans doute trop tranchée et néglige l'aspect affectif. C'est-à-dire qu'en pratique, le quotidien de la majorité urbaine du Québec est sans doute plus proche de l'urbanité montréalaise (dans sa réalité propre, et non dans la version branchée des médias, bien entendu), mais il est parfaitement possible que les mêmes personnes qui vivent cette vie urbaine s'identifient émotivement plus volontiers à Bouscotte qu'à la culture urbaine. (Après tout, une partie des banlieusards ont fui le centre-ville...)

On peut aborder la question de l'identité autrement. Au recensement de 2001, 80,9% de la population du Québec a déclaré avoir le français pour seule langue maternelle et 7,8% l'anglais. En ce qui concerne la langue parlée à la maison, c'est 87,5% de la population qui parlait le français tout le temps ou une partie du temps. Si on se met à additionner ceux dont la culture est purement urbaine et ceux dont la culture québécoise est d'adoption récente, on peut aussi commencer à se demander si c'est véritablement la majorité du Québec qui se reconnaît dans le monde de Terre humaine. Il ne faut pas oublier que la division du Québec en régions administratives tend à faire oublier le poids humain des grandes villes en exagérant l'importance des régions rurales...

Par contre, il y a sans doute un grand nombre de francophones du Québec qui correspondent à la description de Martineau, peut-être même la majorité. Mais ce ne serait pas la même chose que la majorité des Québécois...

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Comments:
Mais Trois-Rivières est en banlieu d'Hérouxville, ce qui en fait une ville complète de xénophobes ruraux!

;)

Sérieusement, je crois que l'urbanité, dans sa définition, est délicate car les trifluviens et les saguenéens (?), par exemple, vivent une vie urbaine très différente de celle de Montréal, entre autre au niveau des communautés culturelles, beaucoup moins présentes. L'uniformisation est plus grande dans les villes "régionales", leur apportant un petit côté rural.

M
 
Tss, tu oublies que je connais un tout petit peu la région. Je sais très bien qu'entre Trois-Rivières et Hérouxville, il y a Shawinigan pour faire tampon... :-)

Personnellement, je ne crois pas que la vie à Trois-Rivières soit si différente de la vie à Montréal, si on se souvient que Montréal, ce n'est pas seulement le centre-ville ou l'île de Montréal. Dès qu'on quitte l'île de Montréal (qui ne représente que la moitié environ de l'agglomération métropolitaine), on se retrouve dans un environnement moins pluriel et dont les grands traits (lotissements pavillonnaires, supermarchés avec stationnements) ne sont pas si différents du grand Trois-Rivières. Trois-Rivières a un réseau d'autobus, ce qui la distingue déjà des petites villes où il faut s'en passer. Elle a un centre-ville avec des restaurants; elle a des événements culturels (le festival de poésie); elle a un campus universitaire avec des centres de recherches...

Bref, à certains égards, Trois-Rivières est au moins aussi urbaine que Terrebonne ou Laval, que l'on inclut dans le grand Montréal.
 
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