2006-09-19

 

Avant Sarajevo, l'Europe de Vienne

J'évoquais l'autre jour le crime du vingtième siècle, c'est-à-dire l'assassinat de Sarajevo qui allait entraîner deux guerres mondiales, la montée d'un communisme totalitaire en Russie, le triomphe du fascisme italien, etc. Et la ruine du monde ancien. Mais ce monde ancien avait eu un commencement : en Europe, il convient de le faire remonter au congrès de Vienne en 1814-1815, alors que les têtes couronnées, les diplomates de carrière et les émissaires des plus obscures principautés ont afflué pour participer au grand marchandage qui doit mettre fin au cauchemar du républicanisme et du bonapartisme. Au cœur de Vienne, le palais royal (Hofburg) accueillait des rois et des reines dans un décor digne d'eux, doré, éclairé, lambrissé, tapissé, velouté, miroitant... (On peut juger du mobilier de ces appartements en jetant un coup d'œil à la photo ci-contre, à gauche, que j'ai prise en août 1990.) Il faut attribuer une certaine dose d'innocence, en fait, à ces aristocrates fardés, poudrés, élevés dans la soie. Ils voulaient retrouver un monde plus tranquille et mieux balisé, un monde qui leur permettrait de nouveau de se retrouver entre eux, en famille, comme si la France mi-républicaine mi-bonapartiste n'avait pas permis à des garçons d'écurie de devenir des généraux, voire des rois. (Le destin de Joachim Murat, dont j'ai vu la demeure natale dans un petit village des causses du Quercy, est exemplaire à ce point de vue.) Le nationalisme permettait aux plus humbles de sentir qu'ils faisaient partie du corps de la nation et qu'ils pouvaient retirer une importance infiniment supérieure à leur rang social de la part qu'ils prenaient aux luttes de leur nation. Le nationalisme allait balayer tout l'édifice rabiboché avec tant de candeur par les délégués du congrès de Vienne.
Le palais et les jardins de Schönbrunn forment maintenant un site classé de l'UNESCO. La photo ci-dessus, sans doute prise d'un point devant la Glorietta, est prise d'un peu trop loin pour rendre justice au château où aurait été tenu un grand bal pour les délégués du congrès de Vienne... Dans l'analyse de la chaîne infinie des responsabilités de la Première Guerre mondiale, on se demande bien sûr s'il n'aurait pas été préférable pour ces aristocrates d'accepter avec un peu d'avance de partager le pouvoir. L'intensité du nationalisme de la fin du siècle en aurait-elle été amoindrie?

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