2006-06-16

 

La SF à l'écran... en 1972

Après avoir évoqué des films de 1954, 1955, 1960 et 1976, je reviens un peu en arrière pour parler d'un autre film est-allemand, Eolomea, en 1972. Des trois que j'ai visionnés, je croyais garder le meilleur pour la fin : un mystère spatial (la disparition d'une série d'astronefs), un message énigmatique, des personnages et des décors plus réalistes qu'idéalisés...

Mais non, c'est tout le contraire. Certes, du point de la vue de la science-fiction, les mérites de tous ces films sont minces, mais Der schweigende Stern (1960) et Im Staub der Sterne (1976) avaient leur intérêt propre. La parabole politique était clairement marquée dans les deux cas, pour le meilleur et pour le pire. De plus, Im Staub der Sterne jouait à fond la carte du space-opéra exotique à grand déploiement — dans la mesure de ses moyens — et le résultat retenait l'attention, à tout le moins par son audacieuse bizarrerie.

En revanche, Eolomea est un peu assis entre deux chaises. Les personnages (leur passé, leurs rêves, leurs goûts et dégoûts) prennent un peu plus d'importance que dans les films hollywoodiens, au détriment de l'action, mais l'intrigue reste axée sur le dévoilement progressif d'un complot. On peut y discerner (avec une loupe puissante) une critique d'un système dominé par une génération vieillissante et trop prudente, ce qui voulait peut-être refléter l'humeur de la génération post-soixante-huitarde en Allemagne communiste, mais le tout finit par se diluer dans les bons sentiments.

Contrairement au résumé standard du film, d'ailleurs, je n'ai pas vu passer de message énigmatique proposant le terme mystérieux d'« eolomea », du moins pas avant que les disparitions d'astronefs soient devenues un véritable souci pour les responsables terriens de l'exploration spatiale. La scientifique Maria Scholl (jouée par l'éblouissante Cox Habbema, actrice d'origine néerlandaise) fait enquête pour essayer de trouver une explication à ces disparitions et elle s'intéresse donc au vieux professeur Oli Tal (joué par un acteur allemand, Rolf Hoppe).

Le professeur Tal avait proposé autrefois l'envoi d'une expédition dans la direction d'une planète hypothétique, Eolomea. (Des observations d'un flash lumineux récurrent dans la constellation du Cygne avaient fait croire à des tentatives de communication par une autre civilisation au moyen d'un laser gigantesque, ce qui reste une hypothèse valable pour les investigateurs de la Planetary Society.)

Pendant ce temps, Daniel Lagny, séduisant cosmonaute à la voix d'or (joué par l'acteur bulgare Iwan Andonow), s'ennuie ferme dans une base spatiale éloignée. Un retour en arrière nous apprend qu'il est l'amoureux de Maria Scholl, qu'il a rencontrée lors d'un voyage aux îles Galapagos.

Ces trois personnages vont se retrouver à bord de la station spatiale Margot, désertée, au moment où partent les astronefs détournés par des scientifiques désireux de tenter l'aventure d'un voyage interstellaire. (En passant, le cadre astronomique du film est des plus vagues; on pressent que l'humanité n'a exploré et occupé qu'une partie du système solaire, car il existe une base Bradburyville sur Mars et Gagarino sur Vénus, mais c'est loin d'être clair.) C'est ce départ pour l'inconnu qui est le ressort du film, mais il n'est pas particulièrement bouleversant, malgré les accords d'une musique symphonique qui sont plaqués sur les décollages en chaîne...

D'ailleurs, si la musique de Günther Fischer n'est pas aussi psychédélique que celle du film Im Staub der Sterne, elle soutient les décors futuristes et les essais d'effets spéciaux à la 2001. Le réalisateur, Herrmann Zschoche (né en 1934), adopte une approche relativement minimaliste. Doit-on lui reprocher toutes les faiblesses du film? Si les sous-titres reflètent fidèlement la tonalité des dialogues (mais ils sont peut-être un peu édulcorés; j'ai remarqué un « Scheissekopf » devenu « blockhead » dans le sous-titre), Zschoche n'était pas aidé par le scénario d'Angel Wagenstein et Willi Brückner. La même année, évidemment, Tarkovski avait pu s'inspirer du Solaris de Lem pour le film éponyme...

Bref, Eolomea est un film de son époque, mais qui est très loin de la transcender. Les effets spéciaux à base de maquettes (suspendues et filmées à l'envers dans le cas des astronefs) et de surimpressions de phénomènes fluidiques n'impressionneront aucun amateur moderne. Un robot plutôt ridicule permet d'intercaler un épisode comique car la professeure Scholl lui pose un dilemme asimovien; le commentaire de Lagny sur l'idiotie de demander à un robot de résoudre un conflit entre le devoir et l'éthique que les humains n'arrivent pas à trancher est assez percutant (et vlan pour Asimov!). Les robots étaient déjà devenus des faire-valoir mécaniques qui constituaient presque un élément obligé des films de sf de l'époque... (Il était temps que Lucas vienne pousser le cliché dans ses derniers retranchements pour créer R2D2 et C3PO!)

S'il y a quelques bonnes scènes, en particulier entre Habbema et Hoppe, l'ensemble du film tombe facilement dans l'oubli.

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