2006-06-20

 

La réalité est de retour

Avant l'invasion de l'Irak par les États-Unis, j'avais avancé une prédiction. Que les États-Unis l'emportent ou non, la langue arabe deviendrait plus présente... aux États-Unis. Si les États-Unis arrivaient à leurs fins, je voyais mal comment ils le feraient sans y mettre le temps et sans y mettre les moyens, ce qui inclurait l'apprentissage de l'arabe, à différents degrés, par les soldats, les officiers et une partie du corps diplomatique. (En leur temps, l'Angleterre et la France avaient fondé l'orientalisme pour consolider leur connaissance des pays que ces puissances avaient colonisé.) Mais si cela tournait mal, l'histoire des puissances coloniales montre que la métropole hérite souvent des élites indigènes qu'elle avait suscitées ou recrutées du temps de sa domination. Les Français connaissent (ou ne connaissent pas, c'est selon) le cas des Harkis et des autres rapatriés. Mais ce n'est pas non plus un hasard s'il y a maintenant une importante communauté vietnamienne aux États-Unis, communauté qui comprend plusieurs ethnies affectées par la longue guerre d'Indochine.

Le 6 juin 2006 aura peut-être été une date importante pour autre chose que son lien numérologique avec la Bête de l'Apocalypse. Car il est sorti des brumes solipsistes de l'administration Bush, connu pour son dédain de la réalité, un témoignage de ce que vivent les Irakiens au cœur de la tourmente, à Bagdad même.

Le 6 juin, c'est la date de l'en-tête d'un mémo (.PDF) envoyé à Washington par l'ambassade des États-Unis et dont The Independent livre l'essentiel. (La comparaison des deux montre qu'il ne manque que quelques détails à la version abrégée du journal britannique.) Un passage retient déjà l'attention de la blogosphère; le texte rapporte l'état d'esprit des employés irakiens de l'ambassade et note que la plupart ne divulguent à personne, pas même à leur famille, qu'ils sont au service des occupants. Le mémo note aussi : « We have begun shredding documents that show local staff surnames. In March, a few members approached us to ask what provisions would we make for them if we evacuate. »

Même si cela ne reflète qu'une inquiétude passagère, il est clair que l'on pense déjà à l'après. Après le départ des coalisés de Bush... Mais ce départ se fera-t-il? Une guerre commencée dans un brouillard tissé de mensonges, de prétextes et d'incertitudes quant à ses véritables motifs se prolonge de la même manière. L'incertitude règne quant aux intentions des États-Unis. Le projet étatsunien ne serait-il pas de partir pour mieux rester, en cantonnant les troupes dans une poignée de grandes bases afin de garder le contrôle de la situation, du gouvernement irakien... et du pétrole? D'aucuns le disent, mais ceux qui savent ne parlent pas et ceux qui parlent ne savent pas.

D'où l'intérêt de fuites comme celle de ce mémo, s'il est bien authentique...

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