2006-01-16

 

La cybernétique environnementale

Dans un article publié par le quotidien britannique The Independent, James Lovelock baisse les bras : la catastrophe environnementale est inéluctable et on ne peut plus se préparer qu'à gérer les séquelles du désastre annoncé.

Vous vous dites que ce n'est qu'un autre prophète de malheur? Sans doute, mais il faut quand même savoir que Lovelock est, avec Lynn Margulis, le concepteur de la théorie d'une biosphère terrestre active — qu'on appelle parfois Gaia. Son approche holistique de l'environnement terrestre lui a permis d'avancer que la biosphère terrestre était un système homéostatique dont les processus conspiraient en quelque sorte pour stabiliser un état des choses propice à la vie.

Maintenant, Lovelock prétend appliquer la même approche à la compréhension de la crise environnementale actuelle. Son analyse holistique, qui porte sur les mécanismes de régulation de l'écosphère, l'incline au pessimisme. Alors que ces mécanismes tendent d'habitude à stabiliser les paramètres vitaux de Gaia, le réchauffement global risque plutôt d'être amplifié par ces mécanismes dont l'opération est transformée par les prémices du réchauffement. (Lovelock cite l'exemple des glaces de l'Arctique. En fondant par la faute de l'effet de serre, elles vont exposer les eaux de l'océan Arctique, nettement plus sombres que ces glaces disparues et donc plus portées à absorber le rayonnement solaire incident qu'à le réfléchir. Le réchauffement ajoute ainsi une source de chaleur de plus à l'environnement terrestre, comme s'il en avait besoin.)

Après avoir parlé en faveur des centrales nucléaires en raison de l'urgence de contrecarrer l'effet de serre, Lovelock commence à désespérer. Il souligne au passage que certains facteurs, qui jouent encore en notre faveur, comme l'injection massive dans l'atmosphère d'aérosols d'origine industrielle, ce qui bloque une partie du rayonnement solaire, sont fragiles. Une récession économique ou une transformation des processus en cause pourrait nettoyer l'atmosphère et accroître le rayonnement solaire incident... De fait, il me semble que ceci a été plus ou moins observé après le 11 septembre 2001. Suite à l'interruption du trafic aérien, il ne se formait plus de traînées de condensation dans le sillage des réactés volant à haute altitude. Les scientifiques ont observé un effet perceptible sur la variation quotidienne des températures, mais sans pouvoir se prononcer sur la direction de l'effet. Quand on songe que les avions ne représentent qu'un élément parmi d'autres, on n'ose penser à ce qui arriverait si les activités humaines cessaient plus largement d'empoussiérer l'atmosphère.

L'assombrissement global (global dimming) fait partie des dimensions du problème du réchauffement global. Certaines données suggèrent que les mesures anti-pollution prises en Europe durant les années 1970 et 1980 (ainsi que la chute du communisme en Europe qui a entraîné la fermeture de nombreux établissements polluants) auraient ralenti ou même inversé cet assombrissement, permettant au réchauffement global de devenir plus évident (ce dont témoigne la série d'années «plus chaudes que jamais auparavant» depuis 1990).

En revanche, ce mécanisme d'assombrissement pourrait être la clé de l'optimisme qui fait cruellement défaut à Lovelock. En effet, il semble résulter de la création de nuages par les particules injectées dans l'atmosphère (qui servent de noyaux de condensation), car les nuages ont un albédo élevé. Or, une lettre parue dans le numéro du 25 août de la revue Nature indique que la désintégration d'une météorite de dix mètres dans l'atmosphère terrestre le 3 septembre 2004 aurait donné naissance à une explosion de 13 à 30 kilotonnes (très semblable dans l'hypothèse minimale à l'explosion de la bombe nucléaire qui dévasta Hiroshima) et à un vaste nuage de poussières de l'ordre du micron, repéré au-dessus de l'Antarctique.

Or, jusqu'à maintenant, les spécialistes croyaient que les météorites se dissipaient sous la forme d'une poussière beaucoup plus fine, qui ne risquait pas de contribuer de manière significative à la formation des nuages. Les auteurs soutiennent que les poussières aérosolisées de cette taille (entre 0,05 et 1 micron) peuvent demeurer dans l'atmosphère pendant des semaines ou des mois et avoir un effet majeur sur le climat. Elles dispersent un maximum de lumière incidente et favorisent la condensation — beaucoup plus que les poussières de la taille du nanomètre que les météorites étaient censées engendrer. Du coup, il va falloir refaire tous les calculs.

Mais aussi, ceci suggère un moyen de refroidir l'atmosphère terrestre. Déplacer un astéroïde, c'est une tâche difficile (et si on se trompe, toute la planète en pâtirait). Mais il serait plus facile, dans un avenir envisageable, pour une entreprise spatiale de bombarder la Terre avec des roches de 10 mètres de diamètre afin d'injecter suffisamment de micro-poussières pour à la fois assombrir et refroidir la planète... En fait, en reprenant et modifiant une idée d'Heinlein, on imaginera facilement des rampes de lancement lunaires qui largueraient sur la Terre de simples conteneurs de poussière lunaire (dont on aurait une provision quasi inépuisable), dont l'enveloppe serait aussi fragile que possible. Aucun risque pour la Terre, sauf ceux qu'entraînerait cette nouvelle pollution atmosphérique. Histoire de doubler les bénéfices, on peut imaginer que la poussière proviendrait d'une entreprise d'extraction de l'hélium-3...

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