2005-11-16

 

Réplication

Le cyberpunk vit encore!

Ou peut-être pas.

Je suis en train de lire Réplicante, l'édition française du roman Il cuore finto di D.R. de l'autrice italienne Nicoletta Vallorani. L'édition originale est de 1993, ce qui est très certainement postérieur à la vogue du cyberpunk, du moins dans le monde anglo-saxon.

Est-ce du steampunk délibéré ou un simple hommage? Prenons la premier paragraphe et jugeons-en: «Willy n'arrive pas à y croire. Il ferme les yeux derrière les verres miroirs de ses lunettes et quand il les ouvre de nouveau, il espère que tout a disparu. Mais rien n'a bougé dans cette chambre d'hôtel où il s'est planqué depuis qu'il a les moyens de régler sa note.»

Willy: William Gibson?

Des verres miroirs: comme dans l'anthologie Mirrorshades?

Une chambre d'hôtel comme planque: celle de «New Rose Hotel»?

Comme ce premier chapitre n'est qu'un avant-goût, cela sent plutôt l'hommage délibéré pour liquider d'emblée toute accusation d'influence indue. Le reste du roman s'intéresse non pas à ce Willy qu'on ne fait qu'entrevoir avant sa disparition, mais à Pénélope DeRossi, détective réplicante unissant les deux principaux personnages de Blade Runner. Toutefois, dans la première partie, les péripéties n'ont pas le relief qui était le propre des romans de Gibson. En grande partie, c'est le style qui manque au rendez-vous. Est-ce la traduction de Jacques Barbéri qui trahit la voix de Vallorani, faisant d'un éventuel laconisme gibsonien de l'original une narration hachée, voire décousue? Il faudrait lire l'original, bien entendu, et avec l'oreille d'un natif...

Mais, pour l'essentiel, j'ai lu cette première partie dans l'autobus qui m'emmenait à Ottawa pour mon cours à l'université. J'étais fatigué, je piquais du nez et c'est peut-être cette conscience intermittente, à éclipses, qui a décousu l'ouvrage de Vallorani. Seulement, il n'y a pas que la narration dans un texte. Il y a aussi la création d'univers, et je n'ai pas eu l'impression qu'elle était vraiment à la hauteur de ce que Gibson faisait. Si ce n'était des références à Brera et à quelques noms de lieux, l'action pourrait se passer n'importe où. Il faut connaître Milan au moins un peu pour se rendre compte que cette première partie se déroule à Milan.

Quant à la deuxième partie, qui se passe sur une planète lointaine, elle campe un monde beaucoup plus intéressant. Des colons d'origine humaine sont devenus télépathes, pratiquent le duel mental, etc. Le seul hic, c'est qu'on aurait aimé une tentative de justification. En plus, le narrateur de cette partie du livre est arrivé à bord de son astronef personnel, ce qui rappelle une science-fiction surannée dont on salue les tropes sans nécessairement pouvoir les prendre au sérieux...

Mais si Vallorani reconnaît sa dette envers le cyberpunk, elle n'est quand même pas la seule ou la dernière à s'inscrire dans le sillage du cyberpunk. Je pense ici au roman Orbital Burn paru chez Edge au Canada, par exemple, mais d'un auteur australien, il me semble. Le cyberpunk aura donc eu une survivance incroyablement tenace. Cette persistance témoigne de l'extrême puissance du mème d'origine. Le baroque des bricolages produits par les bas-fonds de la société avec ce que celle-ci jette au rebut, même quand il s'agit de technologies encore utilisables — et inimaginables aujourd'hui.

Ou cet éternel retour témoigne peut-être de l'absence d'un successeur dans le domaine de la science-fiction. Si le cyberpunk est mort, s'il ne vit plus, qu'est-ce qui l'a remplacé?

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