2005-11-18

 

Naufragé en terre ferme (II)

Une journée consacrée à la littérature.

Revenu d'Ottawa, je suis passé par le Salon du Livre de Montréal, essentiellement pour voir les amis et flâner un peu. J'ai raté Michèle Laframboise, à qui je devais remettre un livre. Je me rattraperai demain. Mais j'ai pu prendre des nouvelles de Pierre-Luc Lafrance et saluer Jean-François Somain, un des invités d'honneur cette année. (La couverture de son nouveau roman nous montre l'auteur allongé dans un hamac au bord du lac Bell. D'après ce qu'il m'a indiqué, le hamac est accroché à proximité de l'endroit où mon père brûlait les feuilles mortes quand ma famille s'occupait du chalet racheté par Jean-François Somain. À deux pas de là, ma mère cultivait des plates-bandes dans la carcasse d'une vieille barque hissée sur la pente rocheuse. Juxtaposition vertigineuse qui me plonge dans les abîmes du temps...)

De retour un peu plus tard au Salon, après avoir croisé Francine et Claude J. Pelletier, une sorte d'amicale des vieux de la vieille s'est constituée autour de la table où Vittorio Frigerio signait son nouveau livre, Naufragé en terre ferme. En quelques instants, j'ai pu croiser Paul Roux, Daniel Sernine et Jean-François Somain. Daniel Sernine à part, c'était comme la recréation vivante de ce dossier sur la science-fiction que j'avais rédigé pour Liaison il y a des années. Ou d'une partie du milieu de la SFCF tel qu'il existait dans les années 80. Cela se passait dans l'espace réservé par le Regroupement des éditeurs canadiens-français...

En partant à la recherche de Mario Tessier, j'ai croisé le Père Gilles Collicelli, directeur des éditions Médiaspaul. Finalement, le grand rendez-vous a eu lieu chez Alire. J'ai pu y rencontrer Mario Tessier, Mehdi Bouhalassa, Guy Gavriel Kay et Patrick Senécal. Ce sont ces rencontres impromptues, au coin d'un kiosque ou au détour d'une allée, qui font toute la valeur et tout le charme d'une visite au Salon, franchement. (Du moins quand je n'ai pas, comme cette année, d'éditeurs à rencontrer ou de nouveautés à signer.) Surtout que j'ai rarement le temps durant un congrès Boréal, quand je m'occupe de l'organisation, d'en faire autant.

La disposition des salons du livre pourrait souvent les faire passer pour des espèces de camps romains du livre, aux allées se croisant à angle droit, mais l'aménagement des espaces en question tend depuis plusieurs années à constituer des petits villages où les gens peuvent se croiser et parler à l'intérieur des murs virtuels que sont ces cloisons et ces rayonnages temporaires. D'ailleurs, la flânerie paie parfois; en me promenant, je suis tombé sur un lancement de Jacques Lamontagne. Très accaparé par ses fans, il ne m'a sans doute pas vu passer, mais j'ai pu dire bonjour à Ann Méthé et Jean-Pierre Normand.

En partant vers 20h, je suis passé par l'espace de DLM. J'avais vu Anne Guéro signer les ouvrages d'Ange chez Bragelonne en fin d'après-midi — ou plutôt se prêter à une entrevue avec un reporter de CIBL, je crois. Cette fois, Stéphane Marsan et Olivier Dombret étaient sur place. Stéphane était affecté par le décalage et moi par ma nuit de sommeil écourtée en début de journée pour prendre l'autobus. La conversation a un peu langui. La preuve, c'est que je n'ai pas sorti de mon sac le manuscrit du troisième roman jeunesse de McAllister!

En quittant le Salon, je me suis dirigé vers le Paramount pour voir s'il était encore possible de voir le quatrième film de la série des «Harry Potter», mais il ne restait des places que pour le visionnement de minuit. Un peu tard, quand même. J'ai donc fini la soirée dans un café. Un peu d'écriture, un peu de lecture. J'ai terminé Naufragé en terre ferme de Frigerio.

Le roman m'a plu par son évocation d'une partie de Toronto que je connais bien. Les quartiers décrits dans le texte sont limitrophes de celui que j'habitais dans le temps, ou recoupent carrément ceux que je fréquentais. Le roman n'est pas daté, enfin pas exactement, mais il semble se dérouler au tout début des années 90. Il s'agit donc bien du Toronto que j'ai connu.

Néanmoins, c'est curieux d'appliquer un style aussi relevé à la description de Toronto. (Le prologue, en particulier, est d'une justesse saisissante. Frigerio croque en quelques paragraphes ce moment singulier des petits matins hivernaux de Toronto, quand les bouches d'égout de la ville exhalent des colonnes blanchâtres au milieu des rues quasi désertes... Il me semble avoir écrit là-dessus quelque part, mais où?)

En français, du moins, ce style parfois recherché est inattendu, voire surprenant. C'est sans doute une façon d'habiter la ville (de la récupérer pour les francophones) que de la faire vivre en français, mais ce n'est en fin de compte qu'une facette du roman. Frigerio met en scène des personnages un peu perdus. Ned, qui vient de perdre sa femme, est mis sur la piste d'un amnésique tiré du lac Ontario. Il aboutit à l'hôpital psychiatrique, où, au lieu de cuisiner le rescapé, il se lie avec un vieillard bavard, qui l'assomme de ses paradoxes et de ses petites idées sur la véritable nature des choses.

Comme l'enquête de Ned ne démarre pas vraiment, ce sont plutôt les interventions de ce vieil homme qui retiennent l'intérêt, pour ceux qui aiment le maniement périlleux des paradoxes et la critique des idées reçues. Mais il faut bien conclure... De manière un peu arbitraire, la vérité commence à émerger. L'amnésique se met à parler et Ned croit tenir la clé de son identité. Mais un ultime rebondissement révèle que le goût du romantisme cache parfois la vérité et qu'il est préférable d'avoir les pieds sur terre à l'occasion...

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