2005-11-12

 

Livres canadiens...

Hier, lancement de trois livres des Éditions Prise de Parole et l'Interligne (deux maisons franco-ontariennes) à la librairie Olivieri. Ayant reçu l'invitation, il était d'autant plus difficile de me défiler que la librairie est à cinq minutes de marche, que l'entrée était libre et que je connaissais deux des auteurs.

De fait, j'ai eu l'occasion de revoir plusieurs visages connus, dont celui d'Arash Mohtashami-Maali, rédacteur en chef de Liaison. Le lancement était précédé par une table ronde, « Causerie sur la question de l'altérité », animée par Stanley Péan, le président actuel de l'UNEQ. Pourquoi l'altérité? Parce que les trois auteurs du lancement représentaient trois allégeances et origines différentes en terre canadienne. Jean Mohsen Fahmy, auteur du roman historique L'Agonie des dieux (L'Interligne), est d'origine égyptienne. Vittorio Frigerio, auteur du roman Naufragé en terre ferme (Prise de parole) et directeur de la revue en-ligne Belphégor, est d'origine suisse. Et Antonio d'Alfonso, qui lançait un recueil d'essais, En Italique (L'Interligne), appartient à la communauté italo-canadienne.

La question identitaire a donc été posée, mais elle n'a (heureusement) pas occupé toute la table ronde, d'ailleurs suivie de lectures d'extraits de chaque ouvrage (ou de poèmes publiés antérieurement dans le cas d'Antonio d'Alfonso). Si l'extrait du roman de Fahmy, situé à Alexandrie au tournant du IVe sièce de notre ère, portait sur un conflit d'allégeances (religieuses), l'extrait de l'ouvrage de Frigerio illustrait plutôt la pluralité de la réalité canadienne.

Et c'est après tout ce que je retire d'un tel lancement. Le Canada francophone de Gaston Miron existe encore, sans aucun doute, mais un nouveau Canada francophone émerge depuis une bonne génération, nourri d'apports de plusieurs continents et reflétant une réalité sociale mobile. Tel auteur qui a grandi en Ontario aboutira peut-être au Québec, et vice-versa. Tel
auteur torontois a peut-être un pied dans les Maritimes ou dans les Prairies. L'ancien Canada français de Gabrielle Roy ne reconnaissait pas de frontières provinciales. À cette époque d'avant Duplessis et la Révolution tranquille, les romans populaires publiés à Montréal par les éditions Garand étaient écrits autant par des auteurs québécois que par un Fransaskois (Féron) ou une Franco-Ontarienne (Lacerte).

Mais la question n'est sans doute pas de savoir s'il existe toujours une culture canadienne francophone qui se faufile, émerge et survit d'un océan à l'autre. Des auteurs, il y en a toujours eus. Mais seront-ils lus au Québec comme leur talent le mérite. Les romans historiques de Fahmy ouvrent sur des réalités qui, lorsque des romans semblables sont écrits et publiés en France, appartiennent un peu à l'histoire (coloniale) de la même France. Au Canada, ils appartiennent au passé de nombreux Canadiens, mais pas vraiment au passé de l'État canadien. La distinction peut sembler insignifiante, et elle devrait sans doute l'être pour que les nouvelles générations canadiennes apprennent à mettre sur le même pied le passé extraterritorial des colons français, étatsuniens et britanniques qui ont constitué le «vieux Canada» et le passé plus récent, mais tout aussi extraterritorial, des immigrants plus récents. La planète est devenue assez petite, il me semble, pour que ce soit possible.

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